King Of Monster Island est un jeu de plateau coopératif qui reprend, à peu près, les mécaniques et l’univers de King of Tokyo. À sa sortie il y a plus de dix ans en 2011, King of Tokyo fit grand bruit et est devenu un véritable best-seller.
Si King of Tokyo mettait les joueurs et joueuses en compétition, ce tout nouveau titre, King of Monster Island, propose de revenir dans l’univers King of Tokyo, mais en mode coopératif. On joue, ensemble, contre un boss, un gros méchant, un méga-kaiju qui se trémousse sur une île volcanique. On gagne, ensemble, ou on perd, ensemble.
Le matériel de King Of Monster Island est époustouflant ! Et ça commence avec le format de la boîte, large, plutôt lourde, bourrée à craquer de jetons, de pièces diverses et variées, et d’un volcan. Oui, un volcan ! Celui de l’île, impressionnant, en partie en plastique dur. Qui sert de décoration, d’abord, et de piste de dés, en quelque sorte. C’est en effet au-dessus de ce volcan qu’on lance les dés du boss.
Les illustrations de Paul Mayafon sont également magnifiques : les kaiju, bien sûr, les alliés disponibles, les cartes, etc.
Pour espérer remporter la partie, il n’y a qu’une seule solution : rétamer le grand méchant, i.e., lui faire tomber ses points de vie à zéro. C’est tout.
Mais ça ne va pas être aussi simple que cela !
À chaque tour, le boss « spawne » des sbires, i.e. il fait apparaître des créatures qui vont peupler le plateau et attaquer. Et pour infliger des dégâts au boss, suffisamment pour le dégommer, il faudra d’abord « faire le ménage » et se débarrasser de ces sbires. Qui lui servent de bouclier humain monstrueux.
Vous voyez le problème.
Comme dans Pandemic, on passe sa partie à « nettoyer » le plateau, et chaque tour, les obstacles réapparaissent. Dans King Of Monster Island, comme dans beaucoup d’autres jeux coopératifs, on a peu l’impression de jouer au mythe de Sisyphe. Rappelez-vous vos cours de mythologie de CM2 : Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe fut condamné, dans le Tartare, à faire rouler éternellement jusqu’en haut d’une colline un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet.
Autrement dit, on fait et refait toujours la même chose. On avance d’un pas pour reculer de deux, et vice versa. Après quelques tours, cet aspect répétitif en devient rédhibitoire. On enlève un jeton créature pour en voir apparaître deux nouveaux. Etc.
Un autre souci de King Of Monster Island, c’est qu’après deux ou trois tours de jeu, le plateau devient vite encombré. Et on n’y voit plus rien ! Les figurines des kaiju, massives, sont placées sur des standees. Et rajoutez à cela la grosse pièce du volcan qui trône au beau milieu de l’île, du plateau. Tout ce fatras finit par tout cacher : les dés du boss qui demeurent sur le plateau, et surtout, les nombreux jetons, plats.
On perd en visibilité, en tactique, en stratégique. C’est un détail, mais qui a son importance pour savoir où aller, quoi faire pour éviter de perdre.
À son tour, on commence par activer le boss : dés, jetons, actions, etc. C’est long. Puis, on passe alors à son kaiju. Ses dés, que l’on peut garder ou relancer. Et selon les lancers, on peut prendre de nombreuses décisions. Ces deux phases sont hachées, saccadées.
Mais surtout, pendant ce temps, les autres à la table peuvent s’ennuyer sec. Dans un jeu coopératif, tout le monde est impliqué. Pas dans King Of Monster Island ! On lance des dés, pour soi, pour le boss, qui se déplace, qui attaque. Puis on prend des décisions, souvent immédiates, personnelles. Quel dé garder, quel dé relancer. À 4-5, King Of Monster Island en devient imbuvable.
Et pendant ce temps, les autres ne font pas grand-chose. Pour un jeu coopératif, je dois avouer qu’on n’y coopère pas beaucoup.
Un autre aspect de King Of Monster Island qui m’a beaucoup déplu, c’est que le jeu regorge d’actions, de choix, de pictos, de possibilités diverses : des alliés, des compétences, des cartes, des jetons que l’on peut placer sur le plateau, etc.
Et c’est peut-être là que réside le cœur du problème. King Of Monster Island se veut un King of Tokyo plus complexe, plus exigeant, plus touffu.
Trop touffu. Surtout pour un jeu avec un tel hasard : on passe sa partie à lancer des dés et à tirer des jetons créatures d’un sac. Et rajoutez à cela une quantité de pictos qu’il faudra maîtriser.
King Of Monster Island, verdict :
En règle général, dans tous jeux de société, l’équilibre entre choix tactiques, stratégiques, et hasard, et fun, est fragile. Ici, cet équilibre, ce rapport joue en la défaveur de King Of Monster Island. S’il faut bien une once de hasard dans un jeu pour lui offrir une certaine rejouabilité, du défi, ici, tout est fluctuant, chaotique.
Cet aspect fluctuant, n’était pas du tout un souci dans King of Tokyo. Car on s’y amusait. Et c’est ce qui m’a cruellement manqué dans King Of Monster Island. Je ne m’y suis pas amusé. Trop saccadé, trop de choix, trop de phases, trop de répétition. Pas assez de plaisir.
Une boîte bien garnie, un matériel de ouf, de superbes illustrations, un univers épique, un jeu coopératif, un auteur de renom. King Of Monster Island avait tout pour plaire. Et pourtant.
Bruyant, brouillon, encombré, haché, lent, on attend qu’une seule chose, que la partie finisse, d’une manière ou d’une autre.
Un jeu qui plombe plus qu’il ne passionne. Grands fans de la première heure de King of Tokyo, cette version coopérative ne nous a vraiment, vraiment pas convaincus.
Bof bof.