Dans Pessoa, incarnez le célèbre poète portugais et participez à sa création littéraire. Un thème original pour un jeu fluctuant.
Pessoa, le jeu de plateau, vous permet d’incarner l’auteur. Fernando Pessoa (1888-1935) était un poète portugais, écrivain, critique littéraire, traducteur, éditeur et philosophe et a été décrit comme l’une des figures littéraires les plus importantes du 20e siècle et l’un des plus grands poètes de son temps.
Pessoa était un écrivain prolifique, il a écrit plus d’une soixante (!) d’ouvrages sous différents pseudonymes. Des hétéronymes, pour être plus précis. En littérature, un hétéronyme est un pseudonyme utilisé par un écrivain pour incarner un auteur fictif, possédant une vie propre imaginaire et un style littéraire particulier. En vrai, Pessoa était une… nébuleuse d’auteurs. Il a créé 72 (!) hétéronymes.
Dans Pessoa, le jeu, donc, vous contrôlez l’un des plus célèbres hétéronymes de Pessoa : Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Álvaro de Campos, et Bernardo Soares cités ci-dessus.
Vous allez vous déplacer entre l’espace métaphysique de la tête de… Pessoa et les vrais espaces physiques de Lisbonne pour vous inspirer des cafés emblématiques, visiter des librairies pour développer votre bibliothèque et connaissances, et tout ça pour chercher l’inspiration afin d’écrire des poèmes. Des vrais poèmes, ceux de Pessoa « lui-même ». Enfin, de ses diverses « personnalités ».
En effet, toutes les cartes utilisées, manipulées pendant la partie affichent toutes une partie de poèmes de l’illustre auteur lusitanien.
Pessoa propose un thème extrêmement original, captivant, cohérent, historique et littéraire, avec des règles plutôt fluides et familiales ainsi que plusieurs variantes incluses dans le jeu qui permettent de rajouter des couches de complexité.
Pessoa le jeu repose sur deux mécaniques principales : le placement d’ouvriers. En l’occurrence ici, votre pion de personnalité de Pessoa que vous allez déplacer sur le plateau, sur Lisbonne. Avec la contrainte de ne pouvoir le laisser au même endroit d’un tour à l’autre, et avec l’autre contrainte de ne pas pouvoir occuper des emplacements déjà occupés.
Et enfin, une mécanique de marché que l’on retrouve dans de nombreux jeux, dont Les Aventuriers du Rail, pour n’en citer qu’un. Des cartes disponibles sont présentes. On les prend, on en place d’autres. Elles défilent. Et c’est justement cette seconde mécanique qui finit quelque peu par gâcher le jeu.
Pessoa fonctionne plutôt bien. Les règles sont somme toute assez simples, fluides et plutôt classiques : on déplace son pion, on prend des cartes, puis on va utiliser ces cartes pour créer des poèmes et ainsi remporter des points. Avec quelques subtilités toutefois, on peut utiliser le pion Pessoa lui-même pour se rendre sur des emplacements occupés, ou les cartes prises peuvent rapporter des micro-bonus.
Pessoa laisse toutefois un certain goût amer dans la bouche. On essaie de construire un semblant de stratégie, mais avec non pas un marché de cartes, mais quatre ! Tout file, tout défile, tout fonce, tout défonce. On finit par attendre, par espérer telle ou telle carte, et elle finit par disparaître, happée par quelqu’un d’autre. On ne peut rien prévoir, rien construire. On finit par jouer « à l’aveugle », au petit bonheur la chance.
Un rien de hasard est nécessaire dans tout jeu de plateau, certes. Mais dans Pessoa, ce n’est plus hasard, mais du chaos. Après 20-30′ de partie, on a beau tenter des combos, mais comme tout change, tout le temps, on se dit que pour abréger ses souffrances, jouer la victoire à pile ou face serait tout aussi possible.
Dans Pessoa, ce n’est pas la personne qui a montré, démontré les meilleures capacités tactiques qui remporte la partie, mais celle qui aura su être au bon endroit au bon moment, par hasard.
Si la chance n’existe pas dans les jeux de société, dans Pessoa, le hasard est bien trop présent, prégnant pour convaincre. Avec quatre marchés qui défilent, le jeu en devient insaisissable. Et c’est bien dommage ! J’aurais tant voulu aimer ce jeu, pour son thème, son originalité, la présence des poèmes de l’auteur sur les cartes, les différentes mécaniques, les variantes pour complexifier le jeu. Bref, tout cela. On en fera une ou deux parties, et puis c’est tout. Ni convaincant, ni convaincu.
Pessoa, verdict :
Fluide, au thème extrêmement original et cohérent, le jeu finit par être lassant tellement il est fluctuant.
Détonant pour son thème, décevant pour sa mécanique.