Stardew Valley, l’adaptation du jeu vidéo en jeu de plateau. En gros jeu de plateau. Stratégie et patience. Beaucoup de patience.
Stardew Valley le jeu de plateau est l’adaptation du jeu vidéo éponyme bien connu dans lequel vous devez gérer la ferme de votre grand-père décédé. D’abord sorti en février 2016 sur Windows, puis en décembre 2016 sur PlayStation 4 et Xbox One. Et depuis 2017, le jeu vidéo est également disponible sur la Switch. Gros carton vidéoludique pour ce petit jeu vidéo indépendant au design rétro très 80s.
Dans Stardew Valley, il est question de planter, de récolter, de se faire des amis, et d’aller explorer des cavernes pour y affronter des monstres et en ramener des minerais. Tous ces éléments se retrouvent dans le jeu de plateau. L’adaptation est plus que fidèle. Avec des mécaniques de jeu pour remplacer l’utilisation du pad ou du clavier. Vous avez aimé Stardew Valley le jeu vidéo ? Vous aimerez le jeu de plateau. Ou pas.
Commençons par parler de ce qu’on a aimé dans le jeu de plateau.
Les illustrations :
L’éditeur du jeu de plateau, ConcernedApe, n’a pas voulu reprendre la direction artistique du jeu vidéo. Il faut dire que le style rétro 80s passerait plutôt mal sur plateau. Sur écran, ça peut encore aller, ça fait très indie et nostalgie. Mais en jeu de plateau, ça pourrait coincer et piquer les yeux.
Au lieu de cela, l’éditeur américain du jeu vidéo qui a sorti lui-même l’adaptation en jeu de plateau a préféré proposer une DA très kawaii, plus cute. Tout n’est que rondeur, couleur et douceur. De quoi nous inciter et inviter à jouer.
L’adaptation :
Comme dit plus haut, si vous connaissez le jeu vidéo vous allez tout retrouver dans cette version plateau. Légumes, animaux, rencontres, cavernes, tout y est. Sans écran, et sur un plateau. Encore une fois, une adaptation très, très fidèle.
Les mécaniques de jeu :
Malgré un livret de règles très copieux, expliquant toutes les actions possibles, et il y en a vraiment, vraiment beaucoup, au fond, les règles sont simples et fluides.
- On commence le tour par tirer une carte événement.
- On discute pour savoir qui fait quoi et où à ce tour.
- Puis on passe à la phase des actions. On n’en a que deux par tour. C’est du placement d’ouvriers de fermiers. On peut la répéter sur l’emplacement occupé, ou activer un autre emplacement adjacent en suivant un chemin.
- Et puis le tour finit, on peut acheter des améliorations ou échanger du matériel avec les autres.
Et c’est tout. Et on passe à la prochaine manche. Et à la prochaine saison, qui voit apparaître quelques nouvelles tuiles de végétation sur le plateau.
Une fois toutes les règles ingurgitées, tout devient simple, instinctif et, fluide.
Le matériel :
Le matériel de jeu est un sans fautes. Et du matériel, il y en a ! Grosse boîte carrée bourrée à craquer des centaines de cartes et de tuiles différentes.
Mais le gros point positif, ce sont les deux planches thermo coupées au millimètre pour ranger le tout. Un matériel, une finition très pro !
Un gros jeu :
Stardew Valley est à réserver à un public avide d’expériences ludiques intenses, profondes et complexes. Et stratégiques, surtout. Hormis les événements qu’on ne connaît pas à l’avance, à moins d’utiliser l’une de ses compétences pour jeter un petit coup d’œil à la carte avant, tout le reste est connu. On peut donc programmer ses prochains tours. Où aller, pour y faire quoi. Et qui, surtout.
Stardew Valley est un gros jeu, et un gros jeu coopératif. Un tel format pour un jeu coopératif est plutôt rare dans l’industrie du jeu de société. Une partie peut en tout cas durer 2h à 3-4. Et tout ceci en mode pure coopération. On gère son pécule en groupe, et non par personne. Et toute sa ferme pareil : élevage, plantations, construction. Tout est partagé, discuté, planifié, ensemble. Si on joue Stardew Valley dans son coin, c’est la défaite assurée.
Des objectifs clairs :
Dans Stardew Valley, on sait comment gagner, on sait comment perdre. On gagne quand on remplit les désirs de son grand-père : construire un nombre de bâtiments, élever un certain nombre d’animaux, planter ceci, cela. Et on perd si on arrive au bout des cartes. Le temps est donc limité, en quelque sorte, pour réussir à tout faire.
Comme disait Sénèque, « il n’y a pas de vent favorable à celui (ou celle) qui ne sait pas où aller ». Dans Stardew Valley on sait très bien ce qu’il faut faire. Encore faut-il y arriver…
Continuons avec qu’on a moins apprécié dans le jeu de plateau. En vrai, pour faire simple, le jeu a tous les défauts de ses qualités.
Les illustrations :
Le style kawaii peut plaire, ou non. C’est un autre débat. Mais cette DA cute et japonisante confère au jeu une image beaucoup plus gentillette et simplette qu’il n’est en réalité. En vrai, comme dit plus haut, le jeu est beaucoup plus profond, complexe et stratégique qu’il n’y paraît.
Des familles ou des publics moins joueurs pourraient « tomber dans le panneau » et vouloir acheter le jeu. Et se fracasser les dents ludiques dessus ensuite. Stardew Valley est un gros jeu. Les règles sont amples. Les exceptions aussi. Faire ceci ou cela ici comme ceci ou cela. Si tout devient fluide et instinctif, il faudra bien passer une solide heure à gambader partout sur le plateau pour tout essayer, pour tout comprendre. Son style graphique cute cucul peut fourvoyer les publics.
Les mécaniques de jeu :
C’est, selon moi, le gros écueil du jeu. Stardew Valley est un pur engine-building. On commence tout faiblichon, pas folichon, avec un outillage moisi et quelques pauvres ressources. Puis, à mesure que le jeu avance, on progresse, on prend de la vitesse, on débloque des capacités. Mais pour y arriver, il faut récolter quantité de ressources différentes.
Les débuts de parties sont très, très, trop poussifs. Pour faire ceci, pour accéder à cela, il faut trouver ceci, planter cela. Au début du jeu, les possibilités sont maigres. Le jeu patine. Puis il prend peu à peu sa vitesse de croisière.
Ce n’est pas un souci en soi, pour peu qu’on apprécie l’engine-building. Mais ici, dans Stardew Valley, la mécanique est à son acmé. Il faudra faire preuve de beaucoup de patience. Beaucoup de possibilités, certes, mais très peu sont réalisables au début.
Le hasard :
Plus que la mécanique d’engine-building, c’est la présence du hasard, omniprésent, qui finit par gâcher l’expérience globale du jeu. On lance des dés pour tout, tout le temps : pour obtenir des minerais dans la mine, pour pêcher, pour élever des animaux. Et quand ce ne sont pas les dés, ce sont des cartes ou tuiles face cachée que l’on retourne : pour se faire des amis, en balade sur les chemins.
Tout ce hasard fait que parfois, on obtient ce qu’il nous faut, parfois pas. On finit même souvent par cramer son tour et ses deux actions pour rien, sur un tirage raté. Ce qui nous oblige à ressayer. Ad nauseam.
Cette infusion de tactique dans un jeu stratégique finit par coincer. Pour débloquer ceci, il faut cette ressource-là. Lance les dés. Tant pis. Ressaye au prochain tour. Mais le temps est limité. Tant pis. Ressaye au prochain tour.
On aimerait tout planifier, et on finit par s’enliser. Cet alliage de tactique et de hasard dans un gros jeu finit par lasser et laisser comme une fosse, sceptique.
Stardew Valley, verdict :
On aurait tellement aimé aimer ce jeu ! Et le placer dans la liste de nos jeux préférés sur l’agriculture. Il avait pourtant pour plaire. De superbes illustrations, un jeu riche et ample, un matériel abondant, des mécaniques fluides.
Et pourtant.
À force, pour un tel gros jeu, le hasard en devient rébarbatif, rédhibitoire. On commence désireux, on finit désabusé. Comment préparer, programmer, réfléchir, quand tout se décide sur des dés, des pioches ? Et quand cela dure 2h, autant se faire un pile ou face, c’est plus court. Et moins cher, surtout !
Stardew Valley, un engine-builder coopératif long, lent, lassant. Le « cul entre deux chaises », trop léger et hasardeux pour des publics experts, trop complexe, long et touffu pour les autres, Stardew Valley finit par décevoir.
Bof bof.