Qualifié aux World Championships of Warhammer qui se sont tenus à Atlanta en novembre 2024, le strasbourgeois Jean-Loup Genin revient sur son expérience outre-atlantique. L'occasion d'en apprendre plus sur son parcours et ses résultats qui ont dépassé les attentes les plus folles. Voici l'interview.
Comment s’est passé ton voyage ?
Jean-Loup : Tout a été assez facile. Manoé, une personne qui travaille pour la FEQ (fédération de Warhammer 40K) m’a donné pas mal d'informations pour organiser le voyage. De plus, étant parmi les derniers à prendre les billets, il y avait déjà pas mal de gens qui avaient pris les devants en ayant réservé leur vol et leur hébergement. Et pour ceux qui vont y aller cette année, ce sera encore plus facile, puisque des choses sont en train de s'organiser pour que le voyage soit le moins contraignant possible, que ce soit financièrement ou au niveau organisationnel. L’idée étant de donner envie aux gens d’y aller.
Dans ta précédente interview, tu nous disais que tu ne voyageais pas seul. C'était sympa de voyager à plusieurs ?
Jean-Loup : Oui, j’ai rejoint pas mal de Français à l’aéroport. Je pense que dans l'avion, on était une dizaine de Français. Mais, je me rappelle surtout qu'il y avait deux gamins de trois ans assis à côté de moi, qui se sont battus pendant tout le vol. Huit ou neuf heures de vol comme ça, c'est long !
Quelle a été ta première impression d’Atlanta ?
Jean-Loup : À la sortie de l’aéroport, on a pris un taxi à plusieurs et on a pu profiter de cette magnifique ville. Hashtag “pas du tout”. En fait, c'est une ville américaine classique, donc vraiment sans intérêt. Quand tu aimes les villes européennes, c'est un peu compliqué de s'y retrouver dans ce genre de ville grise sans caractère avec des buildings partout. Rien n’est fait pour que tu aies envie de te balader. Les immeubles sont quasiment tous reliés les uns aux autres par des tunnels. Mais pour être franc, on n’a presque rien vu d’Atlanta, un peu les quartiers alentours, mais, globalement, on n’est resté qu’à l'hôtel. Et c’est un de mes regrets. Pas forcément de ne pas avoir visité Atlanta, mais pour n'être venu que pour les championnats, sans en avoir profité pour voyager un peu aux États-Unis.
Est-ce que c'était ta première fois aux États-Unis ?
Jean-Loup : Non, j'ai fait un an aux États-Unis, il y a six ans maintenant. Mais, j'étais à San Francisco, donc ce n'était pas du tout la même chose. Mais on retrouve quelques habitudes comme la clim' à fond et l'eau gelée. Aux États-Unis, ils mettent des glaçons partout.
Logeais-tu dans l'hôtel dans lequel se tenait la compétition ?
Jean-Loup : J’aurais pu, oui, mais comme mon voyage s’est organisé au dernier moment, le prix de la chambre dans cet hôtel était un peu exorbitant. Donc avec Simon, le joueur qui a gagné le deuxième Golden ticket à L’OGRE, on s'est pris une sorte de motel à cinq minutes de l’hôtel du tournoi.

Quelles ont été tes premières impressions en arrivant sur le lieu du tournoi ?
Jean-Loup : L’hôtel est énorme. Quand tu lèves la tête dans le hall, tu vois des étages à perte de vue. On nous a dit d'aller au sous-sol. On descend, et là, on voit un sous-sol gigantesque. Je ne sais pas combien de joueurs, on était, peut-être un millier et on avait de la place. On débarque là après avoir fait la moitié de la planète pour jouer. On rencontre des joueurs de tous les pays. Ça parle anglais, il y a des Français partout. Il y avait différents jeux. Warhammer 40K, bien sûr, mais aussi Age of Sigmar et Kill Team. Il y avait une salle pour les streamers et d'autres salles pour les campagnes narratives. Ça, c’était génial, ils étaient quasiment tous en cosplay et étaient vraiment à fond dans leurs personnages. J'ai pu voir quelques parties en cours, les décors étaient magnifiques. Il y en avait pour tous les goûts. Donc, on est là-dedans et on est aux anges ! On se dit : “Ouah, ça, c'est notre passion, quoi !”
As-tu eu le temps de te remettre du décalage horaire avant le tournoi ?
Jean-Loup : Le décalage horaire a été moins violent à l'aller qu’au retour. En arrivant là-bas, ça allait, même si le fait de ne pas avoir pu me reposer correctement dans l'avion et d'enchaîner avec un état excitation - tu discutes avec tout le monde et tu vas boire des coups - n’ont pas aidé. Sur le moment, tu ne sens pas la fatigue, mais ensuite ça donne des moments un peu bizarres où la nuit, tu te réveilles à des horaires impossibles. C'était assez compliqué à ce niveau-là, et c’est une des raisons pour lesquelles j'aurais envie de rallonger mon voyage la prochaine fois. Pour pouvoir prendre du temps avant, pour habituer mon corps au décalage horaire.
La compétition a démarré dès le lendemain de ton arrivée ?
Jean-Loup : C'est ça ! On est arrivés le mercredi et ça a commencé le jeudi. On n'avait que deux parties de prévues par jour. Et ça, c'était trop bien, notamment pour éviter d’accumuler trop de fatigue. Après, ça reste une salle gigantesque avec énormément de gens qui parlent. Même si c'était très bien insonorisé, ça reste fatiguant. Mais le fait qu'il y ait du temps entre les parties et qu'il y ait peu de parties par jour, ça permet de se reposer et de profiter plus du côté humain. Et c'était très agréable.
Peux-tu nous parler du fonctionnement du tournoi ?
Jean-Loup : Il y avait quatre jours de compétition et chaque joueur devait jouer le même nombre de parties, que tu gagnes ou que tu perdes. On ne fait pas venir des gens de l'autre bout du monde pour qu’ils soient éliminés au bout de deux parties.
Dans le fonctionnement global, c'était un tournoi, avec un système de poules, puis des matchs à “élimination”. Il y avait énormément de joueurs répartis dans 16 poules de 16 joueurs. Les quatre premiers matchs se disputaient dans les poules avec un système de ronde suisse, les gagnants affrontent les gagnants et les perdants affrontent les perdants. Chaque joueur faisant deux parties par jour. Les parties étaient chronométrées avec deux heures par joueur. Quatre heures par partie, à ce niveau, c’est très large.
À l’issue des quatre matchs de poules, seuls les premiers de chaque poule se qualifiaient pour la suite du tournoi.
Parallèlement aux résultats individuels, il y avait aussi un classement par pays qui prenait en compte les résultats du tournoi individuel, mais aussi des autres compétitions, comme celle de la peinture par exemple. Donc, ça donnait envie de se battre, même quand on était éliminé, afin de rapporter des points pour son pays.
Quel était ton état d’esprit en entrant dans la compétition ?
Jean-Loup : Je n'étais pas stressé. Le but était de venir à Atlanta pour prendre le maximum de niveau et de me confronter au meilleur niveau mondial. Je voulais comprendre mon niveau, me faire rouler dessus et savoir où je pouvais m'améliorer. J'ai l'impression que c'était la mentalité d’un peu tout le monde. L'ambiance était très chill. Bien sûr, j'ai eu des adversaires qui l’étaient un peu moins, mais globalement, je n’ai pas eu d’expériences désagréables. On était tous là pour le plaisir.
Avec quelle armée es-tu parti à Atlanta ?
Jean-Loup : Je suis parti avec mes Soeurs de Bataille, l’armée avec laquelle j'ai gagné mon Golden Ticket. Ce n'était pas forcément l’armée avec laquelle j'avais envie de partir, mais un copain m'a dit : “Tu as gagné ton Golden Ticket avec cette armée, tu le regretteras si tu n'y vas pas avec.” Donc je suis parti avec. C’était une liste et un détachement que personne ne jouait. En fait, on était deux à jouer ça, mais j’étais le seul à ne pas jouer une unité qui était considérée comme super forte dans le tournoi. J'étais un peu en mode outsider.

Parle-nous de ta première journée de compétition ?
Jean-Loup : Le premier jour, j'ai affronté deux joueurs et ça s'est très bien passé, puisque j’ai gagné mes deux parties assez largement. J'étais assez content parce que j'ai affronté Thousand Sons et Necrons, deux armées que je connaissais bien. Donc, j'ai plutôt eu l'avantage avec mes Sœurs de Bataille. Mais je commençais déjà à ressentir pas mal de fatigue. Même avec deux parties par jour, le corps n’avait pas eu le temps de s'habituer au décalage horaire. Surtout qu'après les parties, on va au resto, on discute, on s'enjaille, etc. C'est cool, mais en termes de fatigue, ça commençait déjà à taper un peu.
Puis arrive la deuxième journée. Comment ça s'est passé pour toi ?
Jean-Loup : Durant la partie du matin, j'ai affronté un joueur qui m'a dit à son T2 que j’avais déjà perdu la partie. Il n’était pas méchant et c’est vrai que je n’avais pas eu un T1 très ouf. Mais, il y avait encore moyen de faire quelque chose. Finalement, j’ai remporté la partie ! Le mec n’était pas très content, mais il est resté bon joueur. Cinq minutes après la partie, il est revenu pour s’excuser. J’étais très content. Cette partie s’est bien passée pour moi et j’avais pu remonter mon retard.
Pour la quatrième partie, j'ai affronté un joueur qui s'appelle TJ. C’est un américain, considéré comme l’un des meilleurs joueurs de Thousand Sons au monde. Il n’a pas l’air d’être très apprécié. On ne m’a pas dit : “Oh, tu vas t'éclater avec lui !” Mais plutôt : “Fais gaffe ! Vérifie bien tout ce qu'il fait et checke bien ses mesures, etc.” Il a une petite réputation de tricheur et de mauvais joueur. De ce que j’ai compris, il n’a pas été pris dans l'équipe américaine cette année-là, du fait de cette réputation.
Donc, j'y suis allé un peu en mode fermé pour ne pas me faire arnaquer. Et je suis tombé sur un mec hyper cool, hyper chill. Et effectivement, j'ai senti qu’à certains moments, il poussait le bouchon un peu trop loin. Mais quand je le lui faisais remarquer, il se reprenait tout de suite. J’ai eu plutôt l'impression de quelqu'un qui était en train de se repentir.
Lors de cette partie, rien n'allait pour moi. Le scénario n’était pas bon, la table n’était pas bonne, et j'étais “joueur 1” sur un scénario qui favorisait énormément le “joueur 2”. C'était un scénario où il fallait tuer plus d'unités que l’adversaire et c’est toujours plus facile à faire quand on est le deuxième joueur et qu'on peut répondre à son adversaire. De plus, je jouais une armée qui a plein de petites unités et lui, une armée avec peu d'unités, mais très résistante. Ce qui l’avantageait beaucoup. Et bien sûr, il le savait aussi. J'ai été très content de cette partie parce que j'ai vraiment sorti probablement mon meilleur niveau pour arracher une égalité. Ce qui est très rare dans le format Games Workshop, car il faut avoir exactement le même nombre de points, alors qu’en Europe, il faut avoir moins de 5 points d’écart.
TJ est le deuxième joueur et on se retrouve dans une situation où il a deux options. On tire des cartes de scénario aléatoirement à chaque tour et ces cartes peuvent nous rapporter plus ou moins de points si on arrive à les réaliser. TJ a deux cartes de scénario qui lui disent que s’il les réalisait, on finissait en égalité. Et il pouvait assez facilement les faire. Ce qui lui garantissait l’égalité. Mais il avait aussi le choix de relancer une de ces cartes pour essayer d'en tirer une nouvelle. Après le compte de ce qu'il lui reste dans son deck, il avait 50% de choix de tirer une carte qui lui fait perdre la partie et donc 50% de chance de tirer une carte qui permettrait de marquer plus de points pour gagner. Après avoir réfléchi 30 minutes, il a décidé de ne pas piocher une nouvelle carte et de finir la partie à égalité.
Et là, ça commence à devenir compliqué, parce qu’on était les deux seuls joueurs de la poule à zéro défaite et une égalité. Games Workshop nous a réunis parce qu'on était pas mal dans cette situation parmi les autres poules, et l’organisateur ne s’attendait pas ça. Pour nous départager, ils ont décidé de faire une “shadow round”, à savoir une partie supplémentaire, mais qui ne serait pas comptabilisée dans le tournoi. Deux parties par jour, c'était OK. Mais avec cette troisième partie supplémentaire, c'était très compliqué. On a commencé vers 19h pour finir à 23h. Heureusement, Games workshop nous a payé des pizzas, parce qu’on n'avait pas le temps de manger. J'ai fait mon relou en disant que j’étais végétarien, donc ils ont pris des pizzas végétariennes pour tout le monde.
Raconte-nous cette shadow round ?
Jean-Loup : Pour cette troisième partie de la journée, j'ai dû rejouer contre TJ, le joueur que je venais d'affronter. Sauf que là, il n’était plus du tout aussi sympa que dans la partie précédente. Il avait beaucoup moins de patience. J'ai un bon niveau d'anglais, mais ça faisait déjà 8h de jeu dans la journée. Avec beaucoup de fatigue, le décalage horaire et des parties de haut niveau très serrées, c’était mal parti. Je n’étais pas bien. J'étais très fatigué. D’autant que je sortais de quatre heures de jeu contre un mec où, même s'il avait été très sympa, j’avais dû être aux aguets tout le temps. Et là, je devais refaire quatre heures contre cette même personne. Mais en même temps, j’avais très envie de jouer, parce que si je gagnais, je passais dans le Top 16. Tous les autres Français étaient éliminés et je pouvais être le dernier à rester dans la compétition.
La salle était vide de joueurs, du coup, il y avait plus de spectateurs. Autour de notre table, il devait y avoir entre 70 et 80 personnes pour nous regarder.
La partie commence, et là tout s’aligne. Le scénario est nickel pour moi, la table aussi et je suis “deuxième joueur”. On était très fatigués et on n’a clairement pas joué à notre meilleur niveau. Mais la partie s'est très bien déroulée pour moi et j'ai pris une avance monstrueuse sans prendre de risque. Dans ce match up, il y avait deux unités clés. TJ avait Magnus the Red, une sorte de gros piaf. Et moi, j'avais Morvenn Vahl avec son exoarmure. Ces deux unités rasent tout ce qu’elles ont en face d’elles. Du coup, Morvenn Vahl est une unité que je place en réserve. Elle n’est pas sur la table, mais elle peut arriver sur les bords de table en cours de partie. Donc, ça rythme un peu le jeu. Tant que Morvenn Vahl est en réserve, Magnus ne peut pas trop s’exposer. Et moi, tant je n’ai pas ma grosse force de frappe sur table, je suis obligé de respecter le “gros pigeon”. Dans 40K, il y a une règle qui stipule qu’au T3, toutes les unités en réserve sont obligées d'arriver. Donc moi, mon but est de prendre assez d'avance ou de mettre assez la pression avant de déployer ma grosse unité. Sauf que je suis tellement fatigué que j'oublie de la faire arriver au T3.
En fait, je n’avais même pas capté qu'on était au tour 4. La partie est allée super vite. J'avais pris tellement d'avance que je me voyais déjà gagner. À ce moment-là de la partie, j'étais tellement bien que Morvenn Vahl aurait pu arriver tout derrière, et c'était suffisant pour me faire gagner la partie. Donc, au T4, l’adversaire fonce tout droit et quand je veux mettre mon unité, il me dit que je ne peux plus le faire. Je conteste et il s’en va aux toilettes en disant que ce n’est pas à lui de prendre cette décision, mais aux arbitres. Pour moi, mon unité est obligée d'arriver sur table. Un arbitre américain finit par prendre une décision et me dit : “Morvenn Vahl is dead !” Après coup, j’ai appris que tous les autres arbitres n’étaient pas d'accord avec lui. Je n’ai donc pas le droit de mettre mon unité en jeu. Intérieurement, je pète un câble. Pas contre mon adversaire, ni contre l’arbitre, mais contre moi. La partie était pour moi. J’étais dégoûté.
Mon adversaire me propose même d’abandonner si je le souhaite. Normalement, on n’abandonne pas une partie à l’autre bout du monde, mais vu les circonstances, ce serait normal. J'avais une sale tête, mais quand il m’a dit ça, ça m'a remis tout de suite d'aplomb. Après ça, mon adversaire a fait de la m**de et j'ai gagné.
En gros, il a pris de mauvaises décisions quant à fiabiliser des actions et avec un peu de réussite, ça m’a permis de gagner la partie de 2 points. Je pense que j’ai bien joué le mind game en lui donnant beaucoup d’informations sur mes unités en jeu, ce qui lui a peut-être fait oublier les priorités. Il était près de 23h, on venait de faire 12 h de partie et on était claqués tous les deux. Je pense qu'il n’a pas hyper bien joué et qu'il n’a pas eu beaucoup de réussite.
Je suis très peu sujet au stress dans mes parties, mais là, quand j’ai pris ma dernière figurine pour la mettre là où elle devait être pour marquer ses points, ma main tremblait. Je gagne, je sers la main de mon adversaire, qui est dégoûté. Et à ce moment, tout le monde est persuadé que j’ai perdu. Juste après, je croise Albios, un pote qui a regardé toute la partie et il me fait un câlin pour me réconforter. Et là, je lui dit : “Non non, j'ai gagné, Albios !”
Je ne peux pas dire que cette partie a tué mon tournoi, mais en termes de fatigue, elle m’a mis au fond. J'étais épuisé et j'ai mis des heures à m'endormir avec l'adrénaline qui a mis du temps à retomber. Je m’en voulais pour mon erreur, mais j’étais aussi content d’avoir gagné. Et surtout, je finissais Top 16. Mon tournoi était déjà gagné pour moi. Cette nuit-là, j’ai dû dormir 4h max. Et le lendemain, les parties recommençaient à 8h !

Après une deuxième journée de feu, comment s'est passé ta troisième journée ?
Jean-Loup : J’arrive pour la première partie de la journée et on me demande si je veux être streamé par French Wargame Studio, une chaîne YouTube française qui était là pour retranscrire des parties, les commenter et parler du tournoi. Évidemment, j'étais grave chaud.
Pour cette partie, j'affrontais un Suédois qui est extrêmement fort. Dès le début, je comprends que le mec a bossé son truc. Et moi, j’étais… claqué ! En plus, la méta était très en faveur de la Garde Impériale au moment d'Atlanta et sur les 16 joueurs qualifiés, il y en avait 6 qui étaient de la Garde Impériale. Et mon armée ne faisait rien contre ça.
J'affronte ce Suédois et la partie est hyper intense. Le mec en face est hyper fermé, mais pas désagréable. Il portrait une petite casquette hélicoptère qui donnait envie de rigoler avec lui, mais lui, restait très sérieux. Il faisait très peu d'erreurs. Moi, je jouais aussi très bien, même si je faisais des erreurs sans être trop puni parce que le mec n’a pas trop de réussite sur le tirage de ces secondaires, ces cartes qu'on tire pour marquer des points. À la fin, je dois me désengager avec une unité qui a raté son test de commandement en lançant un dé. Si je fais un 3+, je gagne. Je réfléchis donc pendant 5 minutes. Et là, je me surprends à avoir des réflexions qui ne sont pas du tout scientifiques, du genre “Quel dé vais-je lancer ? En quel dé ai-je le plus confiance dans ma collection ?” Finalement, j'en ai pris un au hasard, je l'ai lancé et j'ai gagné la partie à un point près.
Quand le niveau entre deux joueurs est assez équilibré, ça se joue souvent sur du hasard. Après, tu fais en sorte que le hasard soit plus de ton côté. Globalement, la partie était plus de mon côté que du sien et je n'ai gagné que d’un point. Je suis sa seule défaite d’un point, sachant qu’il avait mis des raclées à tout le monde.
À ce moment, je suis content d'avoir gagné, mais mon niveau de fatigue est tel que je suis assis par terre contre un mur en essayant de demander du Red Bull. Entre la préparation du stream et la partie, on était en retard par rapport aux autres, et je devais enchaîner sur la prochaine partie. Je n’avais pas le temps de manger. Heureusement, un copain est allé me chercher quelque chose.
D’autant qu’il y avait aussi une séance photo avec Games Workshop. Je n’en pouvais plus. Et j’allais être restreamé pour ma deuxième partie. Mine de rien, c'est un peu plus fatiguant quand tu es en Stream parce que tu dois faire attention à ce que tu dis. Forcément, il faut bien présenter, pour donner une bonne image. Mais je ne tenais plus debout.
Pour cette 7e partie, j'affrontais John, un canadien. Une pépite, un amour. Ma meilleure partie de 40K, même s’il jouait Garde Impériale !!! Il n’était pas francophone, mais m’a proposé de faire la partie en français. Ça m’a fait beaucoup de bien. Il m’a aussi proposé de prendre mon temps pour manger. Un vrai amour !
La partie était hyper tendue. Pareil, ça s’est joué sur quelques jets de dés et je perds à pas grand-chose. Mais ça a été une belle partie, avec du fair-play, une super ambiance, un gros niveau de jeu. J'aurais pu mieux jouer, ça m'aurait fait gagner la partie. Je me fais éliminer au top 8. Mais j'ai encore deux matchs le lendemain. À ce moment-là, pour moi, mon tournoi était réussi.
Et enfin arrive la dernière journée.
Jean-Loup : Pour ma huitième partie, j'affrontais l’américain Richard Siegler, l’un des quelques joueurs professionnels au monde. Il fait partie d'une chaîne qui s'appelle Art of War et est un peu considéré comme le GOAT. Il débarque souvent à des tournois avec les listes dont personne n’a jamais entendu parler. Il gagne le tournoi, puis repart. J'ai des copains qui sont fans de lui. Je n'espérais pas affronter ce genre de joueur. Comme je faisais partie des joueurs éliminés, le match n’était pas censé être filmé. Mais comme un joueur d’un autre match ne voulait pas être filmé et que Siegler a poussé pour qu’on le soit, je me suis retrouvé une nouvelle fois streamé. Ça, c’était plutôt cool !
Durant la partie, le mec est hyper gentil. On discute, on rigole, la partie se passe super bien. Beaucoup de fair-play. Je ne connaissais rien à son armée, lui, connaissait mon armée par cœur, c'était une horreur ! Mais après le match, il m'a dit que d'habitude, il gagne toujours très facilement contre mon armée, alors que le match a été plutôt serré. Si j’avais connu son armée, peut-être qu’il n’aurait pas gagné. La partie s'est joué sur une dernière action à la fin où j'ai perdu en bougeant mes figurines. Bien sûr, il n’y a pas eu que ça, j'aurais pu mieux jouer. J’ai aussi manqué un peu de chance. Mais ça a été une super partie. C'était un plaisir ! Il m’a même signé des autographes après.
Enfin, pour la dernière partie, j’ai affronté un joueur italien. Un joueur que j’avais déjà affronté il y a 7 ou 8 ans, mais sur Warmachine. On était trop contents de s’affronter. Comme moi, il avait été éliminé, donc on était détendus. On rigolait bien, mais je me suis fait rouler dessus. Il jouait encore Garde Impériale. Je ne pouvais rien faire sur ce scénario, ni sur cette table. Ça fait partie de l'aléa. Si j'étais tombé contre lui plus tôt, dans ces conditions, je me serais fait éliminer de la même manière. En plus, j'étais moins concentré. Mais ça reste une super partie. On a rigolé et parlé du bon vieux temps. La fatigue a fini par prendre le dessus sur la motivation aussi.

T’as fini à quel rang finalement ?
Jean-Loup : Je pensais finir 8e parce que j'avais perdu mes trois derniers matchs et que j’étais sorti en quart de finales. Mais Games Workshop a décidé de ne pas bloquer le top 8, comme annoncé, mais uniquement le top 4. Du coup, j’ai fini dans les abysses du classement, en 90e position. Mais sur le moment, je m’en fichais un peu.
Par contre, la cérémonie de remise des prix du tournoi a été vraiment décevante. En gros, c'était un PowerPoint avec les noms écrits en noir sur un fond blanc. Ça faisait un peu cheap pour l’événement. Le tournoi avait eu lieu dans un grand hôtel et là, pour la remise des prix, on était réunis dans une petite salle où tout le monde ne pouvait même pas entrer.
J’ai fini loin, mais comme j’ai fait Top 8, j'ai eu la bonne surprise de gagner un Golden Ticket pour le Championnat d’Atlanta de l'année prochaine. Donc, je suis qualifié automatiquement et je n’ai pas besoin de regagner un tournoi cette année.
Tu penses y retourner l’année prochaine ?
Jean-Loup : J'aimerais beaucoup. Mais ça va surtout dépendre du côté professionnel. Comme j’aimerais prendre plus de temps avant le tournoi, l’idée serait de partir deux semaines. Mais en tout cas, l’envie est là. Dans l’interview, j’ai beaucoup parlé des parties, mais Atlanta, ce n’était pas que ça. On discute avec les potes, on va manger au resto, etc. Ça permet de vivre sa passion à fond ! C'est un super tournoi. Pour moi, c'était la “golden road”. Tout s'est super bien passé. Donc, forcément, j'ai envie de remettre ça. De plus, pour la prochaine édition, la FEQ aimerait essayer de défrayer encore plus les joueurs pour alléger la dépense. Il est vrai que ça joue beaucoup. Entre le billet, l'hôtel, la bouffe et les cadeaux que tu te fais, ça monte vite.
Peux-tu nous parler des résultats de la délégation française ?
Jean-Loup : À Atlanta, ce n’était pas son année ! La France était championne du monde de W40K en équipe au War Master. Mais à Atlanta, ce n’était pas dingue en termes de résultats. Bien sûr, il y a quand même eu de très bons résultats individuels, mais collectivement, ça a été plus compliqué. Mais je ne parle que pour Warhammer. Pour Age of Sigmar, j’ai deux copains qui ont fait de très gros scores et qui ont gagné leurs Golden Tickets pour l’année prochaine. Je n’ai pas trop suivi Kill Team.
Malgré ton très bon résultat, penses-tu pouvoir encore t’améliorer ?
Jean-Loup : Largement ! Gagnées ou perdues, les parties se sont jouées à pas grand-chose. Mais clairement, mon niveau peut s'améliorer. Il s’est déjà beaucoup amélioré depuis Atlanta. Ma connaissance de la méta, de l'investissement en temps et même de mon armée, etc. Globalement, je suis meilleur qu'avant et je pense que je peux devenir encore meilleur. Je suis loin d'avoir atteint mon pic. J'ai eu le vent dans le dos dans certaines parties, ce qui m'a permis de gagner. Ça fait partie du jeu, mais je peux faire en sorte d'être plus stable, de mieux connaître le jeu et scorer davantage. Éviter de gagner des parties à quelques points, mais de les gagner à 5, 6 ou 7 points contre les meilleurs joueurs du monde. Bien sûr, le niveau en face est très bon et va continuer de progresser. On est dans un jeu qui se professionnalise, en tout cas dans l'investissement des joueurs. Par exemple, il y a des joueurs qui ont leurs stats dans un tableau Excel. On sent que les joueurs bossent beaucoup plus le jeu.
Qu’est-ce qui te sépare des meilleurs ?
Jean-Loup : Actuellement, j’ai deux gros défauts dans le jeu.
Premièrement, mon déploiement et mon premier tour ne sont pas assez pensés et j’ai déjà commencé à taffer dessus ces derniers mois. Je suis un joueur français typique, du genre, je ne prépare rien et j'y vais au talent. Il faut quand même que je garde une certaine spontanéité avec mes petits trucs que personne ne voit et qui me permettent de gagner à la fin. Mais avec un meilleur plan de jeu global, une meilleure macro de partie, mes parties se passeraient mieux. Je sens que j'ai progressé là-dessus en faisant en sorte que les erreurs de l'adversaire soient plus cruciales et les miennes beaucoup moins.
Autre défaut à corriger, c’est l’avant-partie, au moment de l'analyse de ma liste des match-up potentiels de la méta. Je dois me renseigner davantage sur ce que les autres vont potentiellement jouer. C’est aussi une chose sur laquelle j'ai déjà commencé à bosser, mais c'est un taf monstrueux sachant que tous les trois mois, il y a un équilibrage. Ça fait vraiment beaucoup d'informations à choper. Si j'arrive à avoir ça, je pense que j'aurai un très, très bon niveau.

Parle-nous de l’effet “Atlanta” sur ton futur dans Warhammer ?
Jean-Loup : Atlanta m’a aussi permis d’avoir une certaine légitimité auprès du comité de l'équipe de France pour les échéances de cette année ou des prochaines années. J'avais déjà été prérecruté en faisant partie du pool de joueurs potentiellement sélectionnables pour l'équipe de France. Mais Atlanta, a permis d’asseoir le fait que j’avais du potentiel. Depuis, beaucoup de choses se sont enchaînées pour moi, avec des entraînements avec l'équipe nationale, par exemple. Après, une performance ne suffit pas. Quand on devient bon, c'est qu'on est bon sur la durée. Finir top 1 à chaque tournoi, ça existe pas, même pour les meilleurs joueurs du monde. Par contre, arriver à faire un gros score à chaque tournoi, ça, c'est important. Le Golden Ticket à l’OGRE, puis Atlanta ont permis de lancer la machine. Maintenant, il faut que je profite de tout ça pour aller plus loin.
As-tu une anecdote ou un souvenir marquant sur ton séjour à Atlanta ?
Jean-Loup : J'en ai plusieurs !
Dans les petites stats rigolotes, Goonhammer, un site spécialisé dans 40K, a sorti un article avec les pourcentages de chance par joueur de sortir des poules. L’article s’appuyait sur les précédents résultats des joueurs. Dans ma poule, TJ était celui qui a eu le plus haut pourcentage, avec plus de 30%, ce qui est énorme sur 16 joueurs. En même temps, on n’était que des inconnus ou presque. Lamar, l’autre Français de la poule, avec son armée Soeurs de Bataille, était un peu connu, et avait un pourcentage assez élevé. Pour moi, comme ils n’avaient aucun chiffre parce que les tournois en France sont sur un autre système, j'étais à genre 0,04% de chance de sortir des poules. Leur système de pourcentage était imparfait, et ils l’ont avoué eux-mêmes, mais pour l'ego, ça faisait plaisir.
L’un des souvenirs qui me restera le plus, c’est mon interview avec Richard Siegler avec LOL, l’un des présentateurs de French Wargame Studio. Après notre partie, quand on a dû débriefer devant la caméra, ça faisait bizarre d'être de ce côté-là. C'était super agréable.
Enfin, je garderai aussi le fait d'être allé boire des coups avec la communauté française dans un restaurant. Être une dizaine à table à parler de figurines ou autres en étant à l'autre bout du monde avec quelqu'un qui chante du gospel au fond, c'était stylé.

Merci à Jean-Loup de nous avoir partagé ses souvenirs et son expérience lors du World Championship of Warhammer d'Atlanta. Et bonne chance pour l'équipe de France !