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Detective Society : "Dans la saison 1, il y a environ 25 sites web"

Interview Detective Society
Mis à jour le  14/11/2023
#article

Mêlant des éléments d'une série policière et d'un escape game, la gamme de jeux d'enquête Detective Society a démarqué sur le marché francophone grâce à l'excellent travail d'adaptation de l'éditeur DISCOVERY. On a voulu en savoir plus sur cette belle aventure ludique. Julien Parny, fondateur de la maison d'édition a répondu à nos questions de bon cœur. Voici son interview !


Philibert : Salut Julien, peux-tu te présenter ?


Julien : Hello Philibert ! J'ai 42 ans, trois enfants et j'habite au Mans. Je suis le "couteau suisse" de DISCOVERY, un nouvel éditeur de jeux de société. Notre premier jeu est Detective Society, un jeu d'enquête immersif, entre escape game et série policière. 



Philibert : Quel type de joueur es-tu ? Comment as-tu découvert le jeu ?


Julien : Je suis un joueur dans l'âme, jeux de société, jeux vidéos, escape game... tout ce qui est ludique m'attire. Étonnamment, je ne viens pas d'une famille très joueuse, c'est plutôt moi qui les ai initiés aux jeux de société que l'inverse. Mais avec mes copains, quand j'étais ado, on écumait toutes sortes de jeux, plutôt classiques à l'époque comme Risk ou Hôtel. Ensuite, on a fait pas mal de jeux d'ambiance type Jungle Speed ou Loups-Garous. On a expérimenté du jeu de rôle aussi avec du D&D et un qui m'a particulièrement marqué : Paranoïa. Ensuite, il y a eu la découverte de jeux plus "modernes": Les Aventuriers du Rail, Mare Nostrum, Les Chevaliers de la Table Ronde... qui ont vraiment fait évoluer ma vision du jeu ; moins de chance, de la stratégie, des jolis designs. Dans mon groupe de copains, j'étais celui qui amenait des nouveaux jeux. Je me rappelle qu'on m'avait même offert un Diplomacy, je ne crois pas que j'ai réussi à leur faire faire trois parties ! J'ai transmis la passion et mes enfants sont très joueurs et mon grand fait partie des testeurs des nouveaux épisodes de Detective Society avant chaque sortie.



Philibert : Peux-tu nous parler de ton parcours ? L’édition n’est pas ta première expérience dans le jeu ?


Julien : J'ai un parcours plutôt orienté dans le marketing, avec des jobs dans plusieurs industries et j'ai parsemé ce parcours de création d'entreprises. Discovery est la 3ᵉ entreprise que je crée. La précédente était un escape game. Nous avions trois salles et organisions des escape games géants pour le grand public ou les entreprises. On en faisait beaucoup dans des châteaux par exemple, avec un scénario autour d'un mariage. On a organisé aussi de beaux événements, par exemple des escape géants dans deux musées en simultané, avec deux scénarios différents et 200 joueurs dans chacun sur une journée.



Philibert : L’édition est-elle ta seule activité aujourd’hui ?


Julien : Quasiment. Je donne également des cours en entrepreneuriat dans différentes écoles supérieures, car c'est un sujet qui me passionne et j'adore transmettre.


Philibert : Tu as découvert le métier d’éditeur avec Detective Society. Comment t’es-tu formé ?


Julien : Lorsque j'ai voulu créer une nouvelle entreprise, il est assez rapidement paru évident qu'il fallait que ça soit dans un secteur qui me passionnait. Mais je connaissais assez peu le milieu du jeu d'un point de vue professionnel. J'ai donc décidé de faire une véritable étude de marché (déformation professionnelle) pour mieux le connaître et découvrir quel métier me correspondrait le mieux dans le secteur. J'ai donc contacté, principalement par Linkedin, pas mal de gens dans des métiers différents pour savoir ce qu'ils faisaient au quotidien, mieux connaître les métiers et les interactions de l'industrie. J'ai eu beaucoup de réponses et uniquement des gens très charmants. Des auteurs, des éditeurs, des distributeurs, des illustrateurs, etc. J'ai essayé de balayer tous les métiers. Des gens comme Régis Bonnessée ou Gaëtan Beaujannot ont été adorables et m'ont parlé de leur métier.


En faisant cette découverte du marché, j'ai eu la chance de tomber sur Bénédicte Jean qui est responsable de studio chez Asmodée et elle m'a proposé de venir faire une pige chez eux pour découvrir le métier d'éditeur de l'intérieur. J'ai donc pu bosser chez Partners, qui s'occupe de la localisation de jeux d'éditeurs tiers pour l'international dans le groupe. J'ai travaillé sur des jeux très sympa : Gloomhaven et Frosthaven, Canvas et bien d'autres. J'ai ensuite accompagné le studio sur des campagnes de communication sur des jeux phares comme la gamme Exploding Kittens et travaillé à la création d'une nouvelle entité au sein du groupe qui s'appelle Asmodée Welcome et qui se veut la porte d'entrée de tous les éditeurs tiers pour travailler avec Asmodée. 



Philibert : Quand et comment l’aventure Detective Society a-t-elle débuté ?


Julien : En fait, ça fait un moment que l'idée me trottait dans la tête. À l'origine, quand j'avais des escape games, j'avais découvert un concept aux USA qui s'appelle Hunt A Killer et qui faisait un carton. Des jeux d'enquête hyper-réalistes par voie postale, sous forme d'abonnement comprenant un épisode par mois. J'ai adoré en tant que joueur et je me suis dit qu'il était dommage qu'un tel concept n'existait pas en France.


Après avoir fait le tour de l'industrie du jeu, je me suis dit que le métier d'éditeur pourrait bien me correspondre. J'avais donc plusieurs choix : soit créer moi-même ce même type de jeu, soit partir sur une localisation d'un jeu déjà existant ailleurs. On a travaillé avec des scénaristes et des game designers pour voir ce qu'il était possible de faire. À l'époque, on avait discuté par exemple avec Antoine Bauza qui lançait tout juste Kaedama.


Chemin faisant, on s'est aperçu qu'il serait bien plus malin de commencer d'abord par un jeu ayant déjà fait ses preuves sur d'autres marchés. En testant tout ce qui existait sur les marchés (anglophones surtout), je suis tombé sur Detective Society, qui fonctionnait très bien au Royaume-Uni, créé par des anciens de l'escape game, comme moi. Leur jeu était vraiment cool alors, j'ai discuté avec eux de leurs envies d'international et on est très vite tombé d'accord sur un deal de licence pour exploiter leurs jeux en version francophone. 



Philibert : Combien êtes-vous derrière ce projet ?


Julien : Ça dépend des jours ;-) On est trois associés et une multitude de "partenaires". Vincent, l'un de mes associés, est un vieux de la vieille du milieu du jeu et a notamment bossé pour Origames. Il est aussi l'éditeur du magazine Akiltour que vous pouvez retrouver sur des salons ludiques comme Parthenay ou Paris Est Ludique. Au quotidien, je suis le couteau suisse de l'entreprise, mais si on compte les designers, traducteurs, testeurs, développeurs, imprimeurs... on arrive vite à plusieurs dizaines de personnes impliquées dans le projet.



Philibert : Qu’est-ce qui t’a motivé dans ce nouveau projet ?


Julien : La nouveauté. Le fait de proposer une expérience unique aux joueurs pour les mettre dans la peau d'un vrai enquêteur. Et puis être éditeur, c'est voir passer plein de jolis projets, des nouveautés, des innovations, et ça j'adore. 


Philibert : Detective Society n’est pas un jeu d’enquête comme les autres ? Qu’est-ce qui rend l’expérience de jeu unique ?


Julien : En un mot : l'immersion. J'en dis plus ? 


Non seulement les scénarios sont très bien écrits, mais en plus, on fait tout pour que le joueur soit vraiment plongé dans un véritable univers. Ça passe par le fait que nos documents doivent être les plus réalistes possible. Mais aussi par une myriade de sites internet qu'on a créé pour l'occasion. La plupart seront indispensables à l'intrigue pour avancer, mais parfois, ils ne seront là que pour une seule petite information qu'il faudra trouver… et même parfois seulement pour l'immersion.


Ça passe également par de l'interactivité. Il y a de très nombreux personnages dans le jeu : des témoins, des suspects, etc. Et les joueurs vont devoir interagir avec eux. Les appeler, leur envoyer un SMS ou un e-mail, un WhatsApp, etc. Et ces échanges ajoutent une couche vraiment immersive dans l'expérience des joueurs.


Et puis il y a le côté "série". Chaque scénario est organisé en "saison", elle-même découpée en plusieurs épisodes. Les deux premières saisons comportent six épisodes dans lesquels vous allez pouvoir continuer l'histoire et l'enquête, en démêlant intrigue après intrigue. Un blogueur escape game qui a testé le premier épisode de la saison 1 disait, je cite : "Le petit twist final donne véritablement envie de réaliser le second épisode. On se croirait dans une série Netflix avec le petit cliffhanger qui fait que l’on veut rester au fond du canap et mater la suite !" Ça fait plaisir !



Philibert : Comment l’as-tu découvert le jeu ? Qu’est-ce qu’il t’a plu ?


Julien : J'ai découvert le jeu anglais au moment où je me disais qu'il pouvait être malin d'adapter un jeu dont j'étais déjà certain de la qualité. J'ai testé pas mal de choses, surtout aux USA et au UK et j'ai eu mon lot de déception. Il y avait des jeux très bien vendus/mis en avant mais qui n'avait pas l'expérience de jeu que je voulais faire vivre à mes joueurs. Mais Detective Society avait tout ce que je cherchais : de l'originalité, de l'immersion, des mécanismes non redondants, une écriture sympa et un petit humour british que j'ai beaucoup apprécié. 



Philibert : Peux-tu nous en dire plus sur le processus d’adaptation du jeu ?


Julien : C'est un gros boulot, notamment lié au rythme de sortie. Nous adaptons, éditons et imprimons un nouvel épisode par mois. On reçoit les fichiers bruts des auteurs anglais et leur version physique finalisée et on travaille dessus. D'abord, on regarde s'il y a besoin d'adaptation culturelle : parfois certaines énigmes sont parfaitement compréhensibles par des Anglais, mais pas du tout par des Français. Dans ce cas, il nous est arrivé de devoir revoir une énigme complète au sein d'un épisode pour le rendre plus accessible au public francophone. Ensuite, on traduit tous les documents "physiques" qui vont être dans la boîte de jeu. On adapte éventuellement les graphismes pour les améliorer si nécessaire. Ensuite, on s'occupe de toute la partie digitale (création des sites internet de l'univers). Pour vous donner une idée, dans la saison 1, il y a environ 25 sites web. On s'occupe ensuite de la partie "interaction personnages" avec tous les dialogues SMS/ e-mails, etc., dans une solution qu'on a fait développer sur mesure. Et quand tout est fini, on teste le tout avant d'envoyer à notre imprimeur. D'ailleurs, à ce sujet, on a fait le choix d'imprimer en France et sans plastique pour réduire notre empreinte carbone. Cela nous a demandé pas mal d'adaptations pour changer des objets qui dans la version anglaise étaient en plastique pour les faire passer en carton, bois, etc.



Philibert : Quels sont tes futurs projets ludiques ?


Julien : Nous sortons en ce moment la saison 2 de Detective Society : Le Silence Soudain de Timothy Lee, qui est encore pour quelques jours en financement participatif sur Ulule :


https://fr.ulule.com/detective-society-saison-2/


Nous travaillerons ensuite sur les saisons suivantes avec nos amis anglais (ils ont déjà cinq saisons éditées). En parallèle, on a plein de projets dans les cartons ou d'envies. On aimerait bien, par exemple, faire un nouveau jeu scénarisé par un maître du polar comme Maxime Chattam (si quelqu'un à ses coordonnées, on est preneurs !). On voudrait aussi réfléchir à une gamme de jeux pour les plus jeunes. Il n'y a pas énormément d'offres de jeu "immersif" pour les enfants et c'est dommage.



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