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Interview des auteurs de Heat, Daniel Skjold Pedersen et Asger Harding Granerud

Interview des auteurs de Heat de Days of Wonder
Le Philiboy Sébastien
Sébastien
Mis à jour le  31/10/2022
#article

Heat, la nouvelle sortie de Days of Wonder arrive tout juste dans nos rayons. Dans ce jeu, les deux auteurs danois, Daniel Skjold Pedersen et Asger Harding Granerud vous proposent de remonter le temps, dans les Sixties, pour revivre des courses épiques de Formule 1. Nous nous sommes entretenus avec les auteurs qui nous ont fait la gentillesse de répondre à nos questions. L’occasion d’en apprendre plus sur leur parcours ludique, leur rencontre et bien sûr de revenir en détail sur Heat. Heat est un jeu qui sent bon le pneu brûlé et les belles mécaniques dans lequel il flotte un doux air de nostalgie. Nous, on l’adore déjà !


Heat

Basé sur une gestion de main de cartes simple et intuitive, Heat vous place dans le siège de pilote des courses automobiles des années 1960. En choisissant les bonnes améliorations pour votre voiture, vous pourrez épouser les courbes du circuit et garder votre moteur suffisamment froid pour maintenir une bonne vitesse de pointe.


> Voir la fiche du jeu


Heat

59,95 €

4.7/5

Détails des notes :

  • Note des Blogueurs :

    4.8/5
  • Note des Philiboyz :

    5/5
  • Note des Clients :

    4.7/5
  • Français
  • à partir de 10 ans
  • 1 à 6 joueur(s)
  • 30mn à 1h

Philibert : Pouvez-vous vous présenter et nous dire ce que vous faites dans le monde ludique ? 


Asger : Je m'appelle Asger. Je suis concepteur de jeux de société et avec Daniel, je suis également éditeur. Auparavant, j’étais aussi distributeur.


Daniel : Je m'appelle Daniel et je conçois des jeux avec Asger depuis près de 10 ans. Avant cela, j'ai suivi un cursus universitaire en sciences politiques. J'ai même étudié à Sciences Po Paris. C’était il y a 17 ans. Puis, j'ai été piqué par le virus du jeu de société et j'ai commencé à en concevoir. À côté de ça, j’ai également travaillé sur des “Serious Games” éducatifs.


Philibert : Qu'est-ce que vous avez fait jusqu'à présent ?


Asger : Nous avons tous les deux signé des jeux individuellement, comme Gold Fever et Flamme Rouge, deux jeux toujours imprimés aujourd’hui. Depuis, nous avons tout conçu ensemble. Je pense que mon jeu le plus connu est Flamme Rouge. Le Manoir Infernal a obtenu une nomination au Kinderspiel, mais n'a pas gagné. Parmi les jeux ensemble, je peux aussi citer Deep Blue de Days of Wonder, Copenhagen, ou encore 13 Jours.


Philibert : Comme beaucoup de vos jeux, vous cosignez Heat ensemble. Comment s’est passé votre rencontre ? 


Daniel : Nous nous sommes rencontrés à l'escalade. Un jour mon cousin m’a proposé de le rejoindre à la salle. Je n’avais jamais grimpé. J'avais fait beaucoup de sport, du football et d'autres sports auparavant et je me suis dit que ça pourrait être amusant. Le plus drôle, c'est que j'ai le vertige. Ça m’a plu et j’ai continué. Au fur et à mesure, une communauté de grimpeurs s’est formée et Asger était l'un d'entre eux. On a commencé à grimper régulièrement et à un moment donné, on a parlé de la vie et des jeux. Et c'est là que la relation a commencé.


Philibert : À quand un jeu sur l’escalade ?


Asger : Nous avons essayé plusieurs fois d’en faire un. On a tenté de faire un jeu solo appelé Free Solo, basé sur le film documentaire qui a gagné un Oscar. Le Free Solo c'est quand vous grimpez sans aucune sorte d'équipement. Mais ça n’a rien donné. Mais on garde cette idée dans un coin de la tête. 


Boîte du jeu de société Heat

Philibert : Parlons de votre dernière création. Dans Heat, les joueurs plongent dans les courses automobiles des années 60. Comment est née l’idée du jeu ? Pourquoi avoir choisi la période des 60’s ? 


Asger : Nous avons évidemment beaucoup joué à Flamme Rouge et comme beaucoup de joueurs, nous nous sommes dit que le jeu pouvait être transposé dans un autre jeu de course. Un jeu dans lequel nous pourrions gérer un grand nombre de joueurs avec une certaine complexité tout en ayant une fluidité. C'est donc de là qu'est venue l'idée du jeu. Dès le début, nous voulions que vous puissiez construire vos voitures afin de les modifier avant ou pendant la course. Pour la thématique des Sixties, nous voulions revenir aux premiers temps de la Formule 1 parce que c'est à cette époque qu'ils expérimentaient le plus avec les voitures. Il y avait beaucoup de conceptions folles à la fin des années 50 et au début des années 60 parce qu'ils ne savaient pas encore ce qui était le plus efficace. L’imaginaire autour de cette époque collait parfaitement avec ce que nous voulions pour le jeu. C’était une époque où tout pouvait arriver pendant une course.  De plus, comme pour Flamme Rouge, cette nostalgie du sport automobile rappelle aux gens une image positive de ce sport et laisse de côté tout le côté négatif de la Formule 1 d’aujourd’hui où on peut ne pas aimer telle ou telle chose ou tel pilote. Et puis, personne ne déteste les gens des années 60 avec leurs grosses moustaches. C’est impossible !


Daniel : Je pense aussi que nous ne voulions pas faire un jeu de simulation. Nous voulions un jeu de course rapide que vous pouvez jouer en 60 minutes. Une expérience brève et amusante. Je pense que si les gens regardent la Formule 1 d’aujourd'hui et qu'ils viennent dans un jeu traitant de ce sport, ils veulent comparer les deux et nous ne voulions pas de cette comparaison. Ce n'était pas l'objectif du jeu. Pour moi, regarder la Formule 1 aujourd'hui revient presque à jouer à un jeu vidéo, et ce n'est pas notre objectif avec Heat.  Donc en revenant à la nostalgie, ça devient plus un jeu de société. Les joueurs peuvent expérimenter, tenter des trucs en mettant par exemple des ailerons géants sur leurs voitures ou d’autres trucs qui n'ont pas marché à l'époque. C’est à vous de voir ! Vous aurez un certain pouvoir en tant que joueur.



Matériel du jeu de société Heat

Philibert : Bien qu’étant très proches, on a le sentiment que Flamme Rouge et Heat sont deux jeux très différents. À quel type de joueurs s’adresse Heat ? Un joueur qui a aimé Flamme Rouge, qui est un jeu plus familial, peut-il entrer facilement dans Heat ?


Daniel : Nous verrons bien, mais nous espérons qu'il peut être à la fois pour la famille et les experts. On a essayé de concilier les deux. Dans Heat, il y a deux livres de règles. L'un d’entre eux concerne juste le jeu de base pour commencer à jouer. Bien sûr, c'est un cran au-dessus de Flamme Rouge, mais ce n’est pas un cran énorme. Puis, quand vous passez en mode championnat, vous allez découvrir plus de règles, car vous devrez gérer les améliorations, la personnalisation de propre voiture, etc. Donc, avec Heat, nous voulions aussi créer une expérience dans laquelle vous pouvez vous immerger en tant que joueur.


Asger : Daniel a parfaitement résumé le jeu en tant que produit. Pour reprendre l’exemple de Flamme Rouge, en achetant Heat, c’est comme si vous achetiez le jeu de base et deux extensions. Le tout dans une seule et même boîte de base. Il y a beaucoup de contenu dedans. Si vous êtes fan du jeu, vous allez pouvoir y jouer encore et encore. Cependant, dans sa version la plus simple, vous pouvez y jouer en famille. Bien sûr, il s'agit d'un jeu un peu plus complexe. Il y a plus de règles et plus de choix en cours de partie, mais le jeu est conçu pour être facilement pris en main. Comme ça vous pourrez également le montrer à vos amis non-joueurs. Au niveau le plus simple, Heat est facile à comprendre. Enfin, "Facile"... La plus grande différence entre Flamme Rouge ou Heat dans son mode simple, c'est que Heat demande une gestion plus fine de sa main. Avec une simple course, à chaque fois que vous jouez une carte, vous perdez cette carte pour le reste de la course. L'astuce consiste donc à gérer ce que vous laissez dans votre jeu pour l'utiliser plus tard. Tout est une question de timing. En mode championnat, vous ne perdez plus vos cartes. Elles tournent et tournent dans le jeu, ce qui ajoute une sensation très différente. Vous ne vous défaussez pas non plus de votre main à la fin de chaque manche. Vous devrez donc apprendre à bien gérer votre main en faisant tourner différentes cartes dans votre deck, plutôt que de vous contenter du moment où vous allez les jouer.


Philibert : Bien que les illustrateurs (Vincent Dutrait pour Heat et Jere Kasanen et Ossi Hiekkala pour Flamme Rouge) et les styles soient différents, on a l’impression que les deux jeux se répondent, qu’il y a une sorte de continuité. Était-ce voulu ?


Daniel : Je ne suis pas sûr que les illustrateurs partagent la nostalgie dont nous avons parlé. Nous n'avons pas décidé du cahier des charges, mais comme nous l’avons dit, nous avions l'idée de faire un jeu sur la Formule 1 à l’ancienne. Pour le choix de Vincent Dutrait, nous rêvions qu’il intègre le projet. On pensait à lui dès que nous avions commencé à faire le prototype. Pour ce qui est de l’éditeur, nous n’avons présenté le projet qu’à Days of Wonder. Donc, forcément, on était ravi qu’ils acceptent. Il y a quatre ans, nous avions envisagé de le publier nous-mêmes, et à l'époque, nous avons commencé à discuter avec Vincent Dutrait de la possibilité de réaliser la maquette. Quand Days of Wonder ont accepté, ils ont pris le relais. Et nous sommes très heureux de ce à quoi ressemble le jeu et que Vincent soit parvenu à transmettre aussi bien cette nostalgie. 


Asger : Je pense que c'est la nostalgie qui rappelle les deux jeux l'un à l'autre. Mais il n'y a pas de choix délibéré de direction artistique pour que les jeux se ressemblent, en dehors, bien sûr, du cadre nostalgique.



Dessin du jeu de société Heat

Philibert : Pourquoi avoir choisi Days of Wonder précisément ? Et pourquoi auriez-vous édité vous-mêmes le jeu si Days of Wonder ne vous avait pas suivis ? 


Asger : Rien n’était fait, mais c’est vrai que nous avions étudié cette possibilité de très près. Lorsque vous jouez à un jeu que vous avez conçu, il est rare que vous pensiez avoir un gros succès devant vous. Et souvent, quand vous pensez que vous avez un succès, vous vous trompez. Mais pour ce jeu, nous avons eu des retours très positifs des testeurs. Certains d'entre eux y ont joué 30 fois. Bien sûr, il y a eu des changements de versions, mais le cœur du jeu restait le même. Et les testeurs voulaient y jouer encore et encore. Et quand vous avez des testeurs acharnés qui ne se lassent pas de votre jeu, cela signifie que vous avez quelque chose qui plaît à un public. En plus de cela, nous aimions vraiment le jeu, donc cela aide aussi.  Nous avions alors décidé de le montrer à Days of Wonder, parce que nous pensions que nous avions un bon jeu et qu’ils feraient un travail remarquable. En plus, ils n'avaient pas de jeu de course dans leur catalogue. Heat pouvait combler ce vide. Nous avions déjà travaillé avec eux sur Deep Blue, donc nous savions aussi que c’était très agréable de travailler avec eux. Et heureusement, ils ont vu le même potentiel pour le jeu et nous ont dit oui.


Plateau de jeu du jeu de société Heat

Philibert : Dans Heat, on retrouve tous les éléments d’une course automobile, excepté l’arrêt au stand. Pourquoi ?


Daniel : Nous avions tenté d’intégrer les arrêts au stand, mais beaucoup de choses ne fonctionnaient pas pendant les essais. Le cœur du jeu réside dans la gestion de sa main et la gestion de la chaleur durant la course. Si vous voulez aller plus vite en ligne droite, dans les virages ou même sauter des rapports, vous pouvez utiliser vos cartes “Heat”. Mais ces cartes endommageront aussi votre moteur en risquant la surchauffe. L’intérêt du jeu se trouve dans cette gestion. Pour moi, un arrêt au stand serait une possibilité de réinitialiser votre voiture. C’est comme si les joueurs avaient la possibilité de faire table rase des ressources utilisées précédemment dans la course. Vous avez de nouveau des pneus, de l’essence, etc. Donc maintenant, vous pouvez recommencer la course et accélérer. Et pour nous, ça ne fonctionnait pas avec une course de seulement deux tours. Il était important que les choix que vous faites à un moment aient des conséquences plus tard.


Asger : Dans le monde réel, les pilotes font beaucoup de tours. Ils font peut-être 10, 12 ou 20 tours, peu importe. Quand vous faites beaucoup de tours, l’arrêt au stand prend tout son sens. Si vous ne faites que deux tours, comme c’est le cas dans Heat, ça a moins de sens. Et puis, l’arrêt au stand avait un côté très binaire : soit vous vous arrêtez, soit vous ne vous arrêtez pas. Il devenait très compliqué d’équilibrer les différents types de voitures et les pistes et nous n'avons tout simplement pas réussi à le faire fonctionner de manière satisfaisante. 



Philibert : Heat peut être joué en une seule course, mais le jeu prend toute sa dimension en mode championnat. Est-ce qu’il y avait la volonté de créer un jeu de type “legacy” ? 


Asger : Oui, un peu. Nous avions ce désir même dans le pitch initial que nous avons présenté à Days of Wonder. Nous avons lancé l'idée d'avoir une version Legacy où, peut-être, votre pilote pourrait même mourir. Finalement, ça ne s’est pas fait. Mais l’équipe de Days of Wonder nous en ont parlé depuis, donc il semblerait qu’ils n'aient pas complètement oublié cette idée.


Les circuits du jeu de société Heat

Philibert : Quel est le futur le jeu ? Des extensions sont-elles prévues, etc. ?


Asger : Oui, bien sûr, nous y avons déjà pensé. Mais il n’y a encore rien de prévu. Il faut voir comment les ventes vont se passer. Quand vous ouvrez la boîte, vous pouvez remarquer qu'il y a de la place pour deux voitures supplémentaires. Donc, il serait facile de sortir une extension pour ajouter deux nouveaux joueurs et deux nouvelles voitures. Mais rien n’est acté à ce jour. Aucun circuit additionnel n’a été prévu avec l’éditeur. Nous attendons tous les premiers chiffres de ventes. Et si ça se passe bien, alors nous verrons à ce moment-là.


Daniel : Les possibilités sont énormes pour le futur du jeu. Il y a bien sûr les deux pilotes supplémentaires, mais aussi l’idée d'avoir de nouveaux circuits, etc. Le fait que les joueurs se posent ce type de questions avant même la sortie du jeu, c'est un bon signe, je pense. Nous verrons bien.


Asger : De plus, comparé à Flamme Rouge, Heat est un jeu légèrement plus complexe. Sa boîte de base contient au moins deux extensions complètes. Il y a presque 50 cartes d'amélioration différentes, des événements, des jetons météo et un mode championnat. Tout ça, rien que dans la boîte de base. Donc, vous pouvez jouer à ce jeu des millions de fois sans jamais rencontrer la même configuration et les mêmes conséquences. Même sans extensions, vous avez du contenu pour jouer sans vous lasser. Même s'il s'agit des mêmes circuits, de petits changements vous permettront de vivre une expérience différente à chaque fois.



Les voitures du jeu de société Heat

Philibert : Les “premières” extensions de Heat sont déjà comprises dans la boîte de base…


Daniel : Je pense, oui. La première idée était de sortir le jeu il y a deux ans et puis le COVID est arrivé et tout a été arrêté et repoussé. Finalement, cela nous a permis de rendre le jeu encore meilleur et de créer une partie du contenu qui est dans la boîte de base maintenant. Cette attente nous aura permis d’aller encore plus loin.


Asger : Jusqu'à il y a peut-être un an, nous parlions encore avec Days of Wonder de la possibilité de publier deux boîtes d’extension immédiatement à la sortie du jeu. Mais ça aurait eu une incidence sur le prix. Il s'agit donc toujours d'un compromis sur la manière de procéder, et il ne s'agit pas tant d'économiser du contenu pour les extensions que d'obtenir le bon prix pour le bon produit dès le départ.



Philibert : Dans quelques jours, vous allez vous rendre à Essen. L’occasion de pouvoir parler de vos prochains projets avec les éditeurs. Travaillez-vous sur quelque chose en ce moment ? 


Asger : Nous avons quelques jeux sur lesquels nous lançons des prototypes. L'année a été bien remplie, car nous avons également autoédité quelques jeux par le biais de notre propre maison d’édition, Sidekick games. Nous nous sommes beaucoup concentrés sur cela ces derniers temps. 


Daniel : La semaine prochaine à Essen, le programme s’annonce assez chargé. Certaines réunions concerneront la présentation de nouveaux projets en tant que designer, mais d’autres seront avec des partenaires de distribution pour notre propre studio. Nous nous sommes lancés dans l’édition, il y a trois ans, puis nous avons mis cette activité en veille à cause de la pandémie. Nous avons repris le projet cette année avec six jeux familiaux autour des célèbres contes de Hans Christian Andersen.



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