À l’occasion de la sortie de la seconde édition de l’Anneau Unique, nous avons interviewé Francesco Nepitello, son auteur. L’Italien a eu la gentillesse de répondre à nos questions et nous raconte notamment son amour pour Tolkien, sa relation avec Free League ou encore ses futurs projets avec CMON.
Philibert : Peux-tu te présenter et nous raconter comment tu es arrivé dans le jeu de rôle ?
Francesco : Je m'appelle Francesco Nepitello et je suis un concepteur de jeux originaire de Venise, en Italie. Je suis un joueur de rôle depuis le début des années 80 (!) et un auteur de jeux de rôle publié depuis 1993, année de la première publication de mon jeu LEX ARCANA.
Philibert : Tu es également auteur de jeux de société. Est-ce que tu utilises le même processus de création que pour le jeu de rôle ? Et est-ce que ton expérience dans le jeu de société t’aide dans le jeu de rôle et inversement ?
Francesco : Le processus est similaire, et différent. La phase de conceptualisation est très similaire, car j'ai tendance à concevoir des jeux de société très thématiques. Les premières questions auxquelles je dois répondre concernent donc ce que je veux représenter dans un jeu. Une fois l'objectif établi, j'essaie de concevoir des règles qui suivent le thème. La principale différence est que les jeux de rôle nécessitent beaucoup plus d'écriture ! Ils n'ont pas seulement besoin de règles, ils ont besoin de beaucoup de matériel supplémentaire. Mais dans ce cas aussi, j'essaie de fournir du matériel jouable, pas seulement de l'écriture savoureuse.
Mon expérience des jeux de société m'aide, je pense, car à mon avis, les jeux de rôle gagnent à avoir des règles très précises, des mécanismes qui permettent aux joueurs de faire exactement ce que le jeu indique sur sa couverture. Si un jeu porte sur l'aventure en Terre du Milieu, je veux qu'il ait des règles qui me donnent l'impression d'être en Terre du Milieu, pas un jeu de fantasy générique.
Philibert : Tu as créé de nombreux jeux dans l’univers de Tolkien. Pourquoi cet attachement à cet univers ? Quel a été ton premier contact avec cette oeuvre ?
Francesco : J'avais environ dix ou onze ans lorsque j'ai essayé de lire le Seigneur des Anneaux pour la première fois. Je n'ai pu dépasser le premier chapitre que lorsque je suis tombé malade et que je ne pouvais faire rien d'autre que lire. La profondeur du monde décrit dans le livre m'a fait tomber amoureux de la Terre du Milieu, qui est décrite de façon si vivante qu'elle semblait faire partie de notre monde réel.
Philibert : Comment est née ton envie de faire un jeu de rôle sur l’Anneau Unique ? Pourquoi avoir ciblé cette période ?
Francesco : J'ai été contacté pour écrire un jeu de rôle basé sur l'univers de Tolkien en raison de l'accueil réservé à mon jeu de stratégie La Guerre de l'Anneau. Ce jeu a convaincu certaines personnes que je pouvais capturer l'esprit de l'histoire.
J'ai choisi la période décrite dans L'Anneau Unique (les années qui suivent les événements racontés dans Le Hobbit et qui précèdent Le Seigneur des Anneaux) car le principal défi d'un jeu de rôle sur Le Seigneur des Anneaux est de permettre aux joueurs d'écrire leurs propres histoires, sans se sentir éclipsés par le récit contenu dans le roman. Cette période est en même temps très familière aux lecteurs de Tolkien et n'est pas trop détaillée dans les histoires, de sorte que les joueurs ont beaucoup de place pour que leurs propres personnages vivent des aventures et soient pertinents.
Philibert : On sent dans l'Anneau Unique une volonté de coller à l'univers aussi au travers de ses mécaniques, quelle a été la genèse de ce système ? Et comment a-t-il évolué entre la première édition de 2011 et cette seconde édition 2022 ?
Francesco : Le système a été conçu à partir de zéro, j'étais donc libre de créer des règles qui pourraient évoquer la bonne atmosphère chez les joueurs. Tout ce qui constitue les règles vient du texte des histoires - tous les noms des statistiques et des capacités, des objets et des créatures - tout vient de Tolkien. Ma plus grande satisfaction est d'entendre des joueurs qui ont relu Tolkien après avoir joué, et qui reconnaissent immédiatement tous les termes et thèmes pertinents du jeu.
Le temps qui s'est écoulé entre la fin de la première édition et la sortie de la seconde m'a permis d'évaluer tous les éléments du jeu, et m'a donné l'occasion de tout peaufiner, en supprimant des éléments que de nombreux joueurs ont fini par trouver inutiles. Mon objectif était de rationaliser les règles, afin de rendre le jeu encore plus fluide et thématique.
Philibert : Entre la première et la deuxième édition, l'éditeur a changé. Peux-tu nous parler de Free League, le nouvel éditeur de L’Anneau Unique ?
Francesco : J'étais fan de l'entreprise avant que nous ne commencions à travailler ensemble. J'avais le sentiment que leur approche de la conception de jeux était très proche de la mienne, et nous étions vraiment d'accord à 100% sur l'orientation du projet. Je pense que cette communion se retrouve dans la nouvelle édition de l'Anneau Unique, un véritable travail d'amour.
Philibert : Quels sont tes futurs projets ? Tu en as fini avec Tolkien ?
Francesco : Je travaille actuellement en tant que game designer et manager pour CMON, la société rendue célèbre par le jeu de société Zombicide. J'ai beaucoup de projets avec eux qui n'ont pas de rapport avec Tolkien, mais mon avenir sera certainement lié à l'Anneau Unique. Et je suis certain que je n'en ai pas fini avec Tolkien en général !
Philibert : As-tu regardé la série Amazon Les Anneaux du pouvoir ? Si oui, qu’est-ce que tu en as pensé ? Est-ce que ça t’a inspiré pour un futur jeu ?
Francesco : Je l'ai regardée, et je ne peux pas dire que je l'ai appréciée. Mais je dois dire que voir des personnages et des lieux différents de ceux auxquels nous sommes tous habitués m'a paru libérateur. Je pense que la chose la plus positive que l'on puisse dire de la série est qu'elle pourrait attirer vers le jeu les joueurs qui pensaient que la Terre du Milieu était limitée par l'histoire canonique. La Terre du Milieu est vaste et il y a beaucoup d'histoires à raconter.
Un grand merci à Francesco pour sa disponibilité et sa gentillesse.
