Dékal est un jeu abstrait composé de cartes numérotées et colorées dans la lignée de Skyjo et Hilo. Mais connaissez-vous l’histoire qui se cache derrière cette boîte dont le fond des cartes rappelle la texture minérale de l’ardoise ? Non ? Alors voici les coulisses du jeu à travers 10 anecdotes à connaître absolument.
1) Un auteur, un peu méconnu
Dékal sort tout droit de l’imagination d’un auteur un peu méconnu du monde ludique, Claude Clément, professeur des écoles de 51 ans. Il nous raconte comment il en est venu à concevoir des jeux :
“C’est ma rencontre avec Cyril Blondel en 2014 (auteur de Zik, Ricochet…) lors du festival « Jouons sur les mots » qui m’a donné envie d’essayer de devenir auteur de jeux. On s’est très bien entendus humainement et on avait une passion commune pour les jeux de mots. J’ai tenté de faire un jeu pour sa gamme épurée des petits Flip Flap. Cela a fonctionné, plusieurs fois même : Un air de famille (2016), Pas de lézard (2018), Tandem (2018) et Monsieur et Madame (2019).”
2) Et si on améliorait le Skyjo ?
Claude Clément est un amoureux des jeux cartes et des nombres (il a notamment fait des études en mathématiques). Pour créer Dékal, l’auteur a eu le déclic suite à une partie de Skyjo. Il nous en dit plus au sujet de son étincelle créatrice :
“En août 2022, lors d’une partie en famille de Skyjo à sept joueurs, je trouve que l’on attend longtemps son tour et je me dis que ce serait bien de faire un jeu avec une grille de cartes retournées où tout le monde jouerait en même temps. Sur le chemin du retour, ma femme conduit, j’ai un flash, tout se met en place. Si on joue en même temps, on a tous un trou dans notre grille. On constitue une rivière avec les cartes sorties de nos grilles. Il ne nous reste plus qu’à reprendre une carte de la rivière et de décaler comme dans un taquin pour remettre une de ces cartes dans notre grille. Je dis à ma femme : « Je pense que je viens d’avoir une bonne idée de jeu ».”
3) Un développement “blitz”
Suite à son idée principale, tout coule de source et l’auteur développe son jeu à la vitesse de la lumière. Claude se souvient :
“Le soir même, je fais un proto, je le fais essayer. Il marche bien. Il ne me reste plus qu’à régler le nombre de cartes, leurs valeurs, ce qui ne me prend pas très longtemps finalement. Quelques jours plus tard, le jeu est prêt. Je l’appelle Dékal, car ce nom explique complètement la mécanique. Je le fais tester aux copains qui passent, aux membres du bureau des Z’accros du jeu (l’association basée à Néris-les-Bains dont je suis président). Tout le monde aime bien. Je vais au festival Chamboultou à Ussel (fin août 2022) pour le faire tester au public. Il a un très bon accueil.”
4) Mais c’est un jeu pour Gigamic !
Le jeu étant ficelé et les tests concluants, il ne reste plus qu’à trouver un éditeur. Mais à qui le présenter ? Claude nous explique comment il décida de le présenter à Gigamic :
“Alexandre Droit, auteur multirécidiviste avec presque 30 jeux à son actif, me dit qu’il est simple et efficace et qu’il l’imagine bien dans la gamme de Gigamic. Le festival professionnel de Vichy approche (septembre 2022), je me dis que je vais tenter ma chance là-bas. Je prends rendez-vous avec différents éditeurs pour Dékal, mais aussi pour un ou deux autres protos.”
5) En route pour Vichy
À l’instar de Cannes, le festival de Vichy peut être un terrain fertile pour une rencontre auteur-éditeur. Et c’est lors des journées pro de Vichy que le sort de Dékal s’est joué, comme nous le relate Claude :
“Je venais de montrer Dékal à un autre éditeur qui l’avait bien aimé et qui m’avait demandé un proto lorsque j’arrive avec ma femme sur le stand Gigamic. Autant j’étais détendu lors du rendez-vous précédent, autant là, j'étais stressé. En face de moi, deux personnes que je ne connaissais pas, Alain Mihranyan et Joseph Foussat. Gigamic représente quand même un sacré éditeur mondialement reconnu avec des jeux incroyables (Quarto, 6 qui prend, Saboteur…). Je me lance, je m’embrouille un peu les pinceaux, je me reprends. On fait une partie qui se passe comme avec les copains ou le public : on refile des cartes au voisin qui n’en veut pas, on se chambre, on râle… Ils récupèrent un proto. Le deuxième jeu présenté aura moins de succès, peu importe, c'est déjà une victoire d’avoir laissé un proto à Gigamic. La suite de la journée se passe bien : je laisse d’autres protos de Dékal à d’autres éditeurs. Le lendemain matin (quoi déjà !!!), je reçois un coup de fil d’Alain, car ils veulent que je repasse sur leur stand. Le problème : je suis déjà rentré chez moi. Au téléphone, il m’explique que Dékal leur a beaucoup plu et qu’ils sont sûrs de l’éditer à 80%. Je raccroche et je saute partout dans ma maison. Deux mois plus tard, le contrat est signé et l’aventure Dékal commence ! Je ne remercierai jamais assez Gigamic pour tout ça !”
6) Un jeu fait pour les “moins joueurs”
L’une des forces de Dékal est de proposer une expérience ludique simple et immédiate. Nul besoin de pratiquer pour prendre plaisir à ce jeu, comme le prouve cette anecdote contée par l’auteur :
“Le jeu a aussi été fait pour ça : faire jouer des gens qui n’ont pas l’habitude de jouer. Un homme veut essayer Dékal, sa femme ne veut pas, car elle me dit qu’elle ne joue jamais, que ça va être trop dur… J'insiste en disant que c’est vite expliqué et que je suis sûr qu’elle va bien comprendre. Finalement, elle se laisse tenter. Elle gagnera la première partie, en fera deux autres et achètera même le jeu !!! Je suis fier d’avoir fait un jeu intergénérationnel et toujours content quand je reçois des photos de gens qui jouent à Dékal.”
7) Une thématique ? Non merci !
Si le jeu de Claude Clément est par essence abstrait, l’équipe en charge de son développement au sein de Gigamic s’est toutefois posée la question d’apposer une thématique afin de le rendre plus accessible. Alain Mihranyan, responsable édition et chef de projet sur Dékal nous en dit plus sur ce point :
“La question s’est posée de lui donner un thème comme des troupeaux d’animaux qui se rassemblent dans le but de le rendre plus accessible. Mais l’idée a très vite été écartée car, en réalité, le jeu n’en a pas besoin. Au contraire, ajouter une surcouche artificielle aurait dilué l’impact et l’immédiateté de Dékal.”
8) Un succès commercial espéré et avéré
Dékal est LA bonne surprise de l’année 2024 pour Gigamic. Alain revient sur les chiffres flatteurs des tirages successifs :
“Même si, chez Gigamic, on croit très fort aux jeux que l’on édite, un succès n’est jamais garanti. De prime abord, nous avions estimé le premier tirage à 8 000 pièces. Avant la sortie officielle d’un jeu, nous présentons les nouveautés à nos magasins partenaires (dont Philibert) pour avoir une idée plus fine des forecast (des quantités estimées). Les retours sur Dékal étaient tous excellents. Rapidement, la décision a été prise de revoir les quantités à la hausse pour atteindre les 28 000 pièces. Soit, la plus grosse première implantation de l’histoire de Gigamic. Aussi un très gros pari, car le public ne réagit pas toujours comme attendu. Malgré cela, nous avons un peu été dépassés par le succès et subit de petites ruptures ! Les reprints se sont enchainés pour, aujourd’hui, se rapprocher des 200 000 qui seront certainement atteints pour Noël. Plus de 80% de ces quantités ayant été vendues en France, il reste à Dékal le reste du monde à convaincre.”
9) Un illustrateur made in Gigamic
Une fois n’est pas coutume, l’éditeur domicilié à Wimereux s’est tourné vers l’un de ses graphiques maison pour les visuels de Dékal. Alain Mihranyan nous en dit plus sur ce mystérieux Joey, crédité aux illustrations :
“Joey est le nom d’artiste de Geoffrey Noël, un des cinq graphistes qui travaillent à demeure chez Gigamic. Sur la plupart de nos visuels, nous faisons appel à des illustrateurs extérieurs. Ici, au moment de la présentation du projet, Joey a émis le souhait de pouvoir travailler le développement du concept graphique de Dékal - c’était déjà lui qui était derrière Hilo. Ce choix nous a également permis d’être beaucoup plus réactif et d’envisager beaucoup plus de pistes qu’on aurait pu le faire autrement.”
10) Un jeu qui a fait l’unanimité
Le soir du festival de Vichy, toute l’équipe de Gigamic était réunie dans un gîte, l’occasion de retester Dékal loin de l’effervescence et la précipitation qui peuvent régner lors des rendez-vous pro d’un festival. Alain se souvient de l’effet produit par Dékal :
“Parfois, certains jeux sont une évidence. Nous avons joué pour la première fois à Dékal lors du salon de Vichy 2022. Le soir même, nous profitions que toute l’équipe Gigamic était réunie dans un même gîte pour faire jouer le prototype. Le lendemain matin, tout le monde venait me reparler du plaisir qu’ils avaient eu à jouer et que la prochaine fois, ils essayeraient une nouvelle stratégie. Un signe qui ne trompe pas… nous savions déjà que nous allions signer ce jeu.”