Khiva est un jeu qui emprunte à plusieurs genres : les jeux de pari, avec son mécanisme de l’enchère la plus basse, les jeux de déplacement, avec ses chameaux qui se sautent mutuellement, et les jeux de draft, avec ses échanges de cartes.
Ce draft, même si le terme peut sembler exagéré, constitue l’une des composantes principales du jeu. C’est le moyen de deviner ou du moins d’essayer d’anticiper les mains des adversaires, mais aussi d’influencer leur jeu, tout en tentant de maîtriser le sien. Le choix de la carte à donner est crucial, puisqu’il peut procurer un avantage au joueur en fonction de la configuration actuelle du plateau, des chameaux et des tapis non validés. Mais il ne faut pas oublier que cette configuration est celle d’avant le tour, et que tout peut changer au cours d’un tour. Il est donc nécessaire d’identifier au mieux la stratégie de l’adversaire pour anticiper. Ce n’est pas une tâche aisée, particulièrement à quatre ou cinq joueurs.
Le déplacement des chameaux, ou plutôt leur placement et leur ordre de mouvement, sont également stratégiques. Un emplacement occupé par un chameau n’étant pas comptabilisé dans le déplacement d’un autre chameau, le joueur qui aura su placer les chameaux (ou saura profiter des déplacements des autres joueurs) pourra ramener rapidement un chameau dans son palais, à la manière des dames chinoises. Cette gestion des déplacements nécessite de l’anticipation et une certaine souplesse, les adversaires ne jouant pas toujours comme prévu… De la stratégie, certes, mais sans rigidité, en sachant être opportuniste.
Le mécanisme de pari ajoute à tout cela une part d’incertitude et complexifie les déplacements. Il est naturellement plus sûr de jouer des petites cartes, mais les déplacements sont alors plus longs, et le risque est élevé de ne jamais réussir à amener un chameau jusqu’à son palais. Jouer des cartes fortes, en revanche, c’est aussi risquer de ne jamais gagner, ou de n’avoir que des théières à la fin du jeu, ce qui n’est pas suffisant pour remporter la partie. C’est un subtil équilibre qu’il faut trouver, et les joueurs habitués aux jeux de cartes et au comptage des cartes seront avantagés, d’autant plus que le système de draft permet d’avoir une vision plus large que sa seule main et ce qui a déjà été joué.
On le comprend aisément, Khiva n’est pas un jeu qui met tout le monde au même niveau. Une table hétérogène risque d’être très déséquilibrée, et certains joueurs pourraient ne pas y prendre de plaisir. Le jeu est accessible à tous, mais pas nécessairement ensemble. On privilégiera les tables homogènes, pour que chacun puisse s’amuser.
Un jeu de déplacement et de pari, accessible à toutes et à tous, mais préférablement pour une table homogène. Khiva est comme une théière précieuse : simple en apparence, mais regorgeant de saveurs stratégiques qui ne demandent qu’à être découvertes… à condition d’avoir les bons compagnons de voyage !