Dans Ark Nova, gérez un zoo et protégez des animaux. Un jeu pour Gamer, intense et puissant.
Il y a, comme ça, des jeux de société qui buzzent. Parfois, les médias s’en emparent. Parfois, la toile bruisse. Parfois, la comm des éditeurs fonctionne. Parfois, le buzz n’est pas du tout mérité. Et on s’emballe pour un jeu plat, moyen, médiocre. Déception. Et parfois, comme pour Ark Nova, c’est mérité !
Ark Nova est, sans conteste, le jeu qui a le plus buzzé sur le salon d’Essen en octobre 2021. Les gens faisaient la queue pour l’obtenir. Il a rapidement été épuisé.
Le jeu repose sur trois aspects, trois piliers, trois mécaniques :
???? Les cartes, 212 au total, superbes, toutes différentes et surtout, toutes à contenu scientifique, cohérent. On les joue de sa main, on paie leur coût, on combote sec.
???? Son zoo qu’on construit, déploie sur son plateau personnel au moyen de tuiles bâtiments : enclos pour y accueillir un animal, kiosque, pavillon ou autres.
???? La mécanique principale, les actions, le cœur du jeu. Une mécanique ingénieuse, palpitante, qui permet de programmer, préparer ses 17 000 prochains tours, environ.
Si Ark Nova a tellement buzzé, et qu’il continue à l’être quelques mois après sa sortie, c’est certainement pour trois principales raisons.
Tout d’abord, le jeu propose un contenu zoologique et scientifique solide, cohérent et rigoureux. Chaque animal appartient à une espère, une région, et rapporte tel ou tel effet. Tout est pensé, recherché, validé. Rien n’est laissé au hasard, à l’emporte-pièce, à la facilité ou à l’approximatif. De quoi jouer, de quoi vivre, de quoi découvrir la faune de notre planète.
Pour sa mécanique de base, ensuite. Le système des actions. Autant simple que fluide et profond. À son tour, on n’effectue qu’une seule et unique action. On joue l’une de ses cartes devant soi. L’une de ses 5 actions disponibles : construire un bâtiment dans son zoo, jouer une carte animal, faire une action spécifique, etc.
Les 5 actions et le principe de position, de rang. Tout le cœur, le sel du jeu réside dans la mécanique de rang des cartes. Il y a 5 rangs, 5 positions, de 1 à 5 de gauche à droite. Et selon la position de la carte, l’action sera plus ou moins puissante. Sachant que lorsqu’on joue une carte, on la retire de son rang pour la replacer en tout début de piste. Décalant ainsi de fait les autres sur la droite. Ce qui a comme effet d’augmenter les rangs des cartes.
Et là, c’est le drame. On a souvent envie, besoin de jouer une action spécifique qui se trouve à un rang inférieur. Mais on préfère aussi « attendre » qu’elle atteigne le 5e et dernier rang. Logique, lucratif.
C’est tout le dilemme et les choix douloureux qui se posent à nous dans Ark Nova. Quelle action jouer, maintenant, et laquelle jouer ensuite, avec des rangs, des cartes, des actions qui se renforcent, s’améliorent, par elles-mêmes. Tout est fluide et dynamique. Une mécanique puissante, passionnante. Elle permet de prévoir ses prochains tours,
Le décompte de points est plus que « simple ». Tout est visible. On connaît constamment ses points et ceux des autres à la table. Rien n’est caché, ou presque. Alors certes, tout le monde possède une seule et unique carte d’objectif secret, qui permet de grappiller quelques points supplémentaires en fin de partie. Mais c’est juste pour le rebondissement final.
Dans Ark Nova, le calcul des points n’est pas alambiqué. Aucune salade de points finale. Tout se joue sur deux de ses jetons qui progressent sur deux pistes : une piste d’attractivité de son zoo, symbolisée par le nombre de tickets vendus, autrement dit, est-ce que son zoo plaît et attire les gens, et une piste de conservation.
La conservation, ou préservation, est l’acte qui consiste à maintenir un élément dans un état constant. On retrouve le mot « conservation » dans plusieurs domaines, dont, pour ce qui nous intéresse dans Ark Nova, l’écologie.
Dans Ark Nova, il est en effet question de conservation de la faune. Elle consiste en la protection des populations d’espèces animales. Son objectif est de maintenir les écosystèmes dans un bon état de conservation et de prévenir ou de corriger les dégradations qu’ils pourraient subir.
Donc deux pistes. En réalité, une seule. Mais on commence avec chacun de ses jetons aux deux extrémités. Peut-être vous souvenez encore de l’excellent jeu Rajas du Ganges sorti en 2017. Ark Nova reprend le même mécanisme de pistes.
La première personne à croiser ses deux jetons sur la piste, attractivité et conservation, met fin à la partie. Puis on calcule ses PV. En gros, l’écart entre ses deux jetons. Si on les a croisés, les points sont positifs, sinon, ils sont négatifs. C’est tout. C’est simple. C’est méchant. La course est intense ! On voit où l’on se trouve, si on se fait distancer, par qui, comment. Et, le couteau sous la gorge, on fera tout pour rattraper son retard ou maintenir son avance.
Dans Ark Nova, pour espérer gagner, il faut donc « ménager la chèvre et le chou ». Tout faire pour rendre son zoo attractif, l’aménager, y accueillir des animaux, tout en cherchant à lancer des projets de conservation de la nature. La mécanique est aussi ingénieuse qu’éthique.
Avant de jouer à Ark Nova, en guise d’avertissement, il faut relever 4 éléments :
Le jeu est exigeant. Les règles sont touffues. Même si claires et bourrées d’exemple, elles couvrent une vingtaine de pages, denses. Et si tout finit par foncer, fluide, il faut se préparer à s’immerger dans un jeu ample qui se mérite. Et qui le mérite. À réserver à un public averti, Gamer ! Une fois plus ou moins maîtrisé, Ark Nova devient un véritable léviathan ludique.
Votre toute première partie sera moisie. C’est ce qu’il vous faut vous dire. Avec autant de règles et de pictos à assimiler, la toute première partie frotte, freine, elle est fastidieuse. Voire ci-dessus.
Si aujourd’hui la VO du jeu ne l’inclut pas, on pourrait espérer que la VF propose une partie de découverte, plus courte. Avec, pourquoi pas, des règles allégées. Juste pour prendre les rênes du jeu « en douceur ». Si c’est possible.
Comme le jeu dure bien entre 2 et 3h, n’en jouez qu’une seule. Puis faites un petit décompte. Ceci vous permettra ainsi de mieux cerner les tenants et aboutissants du jeu. Puis recommencer à zéro pour une vraie partie cette fois.
Pour y jouer, prévoyez une graaaaaande table. Le matériel est riche et vaste. Comme les règles du jeu. Il y a un long plateau central, qui place le marché aux cartes. Puis un mini plateau d’actions bonus que l’on place à côté. Puis votre plateau personnel. Puis toute la ribambelle de cartes que vous allez jouer tout au long de la partie et qui doivent rester face visible pour garder une trace des pictos dispos. Un joyeux bordel !
Alors certes, le jeu prévoit quelques espaces de rangement, fort pratiques, pour placer la palette de tuiles et autres enclos à construire au fil de la partie. Mais oubliez d’y jouer sur un coin de table.
Et quid de l’interaction ? Elle est polaire. On joue sur son coin de zoo, les yeux rivés sur :
- Son plateau perso
- Ses cartes actions
- Ses ressources
- Ses jetons qui gambadent sur la piste
- Le marché aux multiples cartes
À tel point qu’on n’a pas vraiment la possibilité, humaine, de s’intéresser à ce que les autres font autour de la table. D’autant que les actions, fluides, filent. On aurait presque l’impression de jouer en solo, à plusieurs. D’ailleurs, le jeu peut aussi se jouer en solo !
Une interaction polaire, vraiment ? Faux !
L’interaction est beaucoup plus forte et violente qu’elle en a l’air. Au premier abord, oui, on joue dans son coin à gérer son zoo sans se soucier des autres. Mais en réalité, il faut surveiller les autres pour :
Savoir quels animaux ils posent, quels objectifs de conservation ils visent, pour leur damer le pion avant.
Suivre leurs deux jetons à la trace, pour ne pas se faire distancer.
Et hormis de l’observation et de l’adaptation, peut-on mettre des bâtons dans les roues aux autres ?
Oui !
Certains animaux jettent du venin, comme les… serpents, et ralentissent le jeu des autres. Il existe plusieurs cartes, plusieurs effets qui s’en prennent aux autres. De quoi pouvoir se la jouer aggro si on a envie.
Ne vous fiez donc pas au « manque » d’interaction. Dans Ark Nova, jouer dans son coin, c’est partir perdant.
Ark Nova, est, selon moi, un excellent titre. Un titre fort. Palpitant, intense, profond, intelligent, scientifique, éthique, on a envie de re-re-rejouer pour découvrir, tenter de nouvelles stratégies.
Tout y est question de maintenir un équilibre, subtil, fragile, entre économie et écologie. Comme dans la vraie vie, somme toute.
Vous aimez les jeux profonds, amples, exigeants, Gamers ? Foncez ! Et préparez-vous à ne plus le lâcher.
Grandiose !