Virtù se déroule dans l’Italie, tumultueuse, belliqueuse, de la fin du 15e siècle et de la moitié du 16e.
Des familles, des factions s’affrontent pour prendre le contrôle de certaines villes et étendre leur influence. Rajoutez à cela une guerre entre Charles VIII, le roi de France, et Ferdinand II d’Aragon, et vous obtenez un cocktail, explosif, passionnant, historique.
Virtù s’évertue à cristalliser près d’un demi-siècle de guerres incessantes qui secouèrent la Botte sur des décennies, avec 11 batailles entre 1494–1559, entrecoupées de dix périodes de paix.
C’est ce qu’on appelle aujourd’hui les guerres d’Italie. Ces guerres ont ouvert la voie aux guerres de religion, qui commencèrent juste 3 ans plus tard, soit en 1562. Mais également, cette période nous donnera l’un des stratèges politiques les plus connus, Nicolas Machiavel. Dont les citations habillent cet article.
Pour revenir au jeu de plateau, dans Virtù, vous contrôlez l’une de ces factions et vos avancez vos troupes, votre influence, pour tenter d’asseoir votre pouvoir et présence sur la péninsule. On s’y croirait !
“On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut.”
Pour faire très, très simple, simpliste, même, à l’épure, Virtù est un jeu de conquête.
Un plateau avec l’Italie, des jetons qui représentent le contrôle des cités, des mini-meeples pour incarner ses troupes. Et c’est tout. Le théâtre des opérations peut commencer.
On déplace ses unités, on assiège une ville, on espère la remporter. En fin de partie, on gagne autant de points que de ville contrôlées. Pour aller à l’essentiel.
Toutes les actions sont effectuées en déplaçant son pion sur son plateau personnel, son palais, de 1 à 2 cases, ou plus en payant un surcoût. Et selon la case d’arrivée, on fait ceci, cela.
Virtù reprend la mécanique, plutôt rare dans les jeux de plateau contemporains, de la rondelle. On se déplace en sens horaire sur une roue, d’actions ou de ressources. Ce qu’on gagne en limite d’actions disponibles dans 1-2 cases, on le gagne en stratégie et planification de ses 2-3-17 prochains tours. Ici ce tour-ci, là-bas au prochain.
Et puisque le deck-building n’est pas mort, loin de là, Virtù emprunte cette mécanique d’engine-building pour réussir à développer son propre mécanisme, ou en tout cas néologisme et anglicisme, le… Wheel-building. Ou construction de rondelle.
Sa rondelle d’actions n’est pas figée. Comme dans tout deck-building, on commence par des actions de base, efficaces mais fades, puis on passe sa partie à faire l’acquisition de nouvelles cartes, de nouvelles ouvertures stratégiques.
Alors non, Virtù n’est pas un pur, un « simple » deck-building. La mécanique est certes, là, mais ce n’est pas le cœur du jeu. Le cœur du jeu est la conquête, l’influence, et comment on parvient à créer une rondelle d’action la plus efficace possible.
“La nature nous a créés avec la faculté de tout désirer et l’impuissance de tout obtenir.”
Virtù n’est toutefois pas exempt de quelques écueils qui ont, chez nous, quelque peu refroidi nos émois ludiques.
Le plateau :
S’il faut une large table pour déployer tout le fatras du jeu : cartes, rondelle / plateau personnel, tuile, jetons, le plateau principal, lui, représentant la carte de l’Italie au 15e siècle, est, de manière surprenante, plutôt ramassé.
À tel point que la taille des unités utilisées a également dû être réduite pour pouvoir être placées. Et à mesure que le jeu avance, avec tous les jetons et les unités, on perd en lisibilité. Quelle route va où ? Tout devient trop petit, encombré.
Si déjà le plateau et la conquête incarnent les éléments centraux du jeu, si déjà il faut une importante surface pour placer tout le matériel, j’aurais aimé voir, avoir un plateau plus ample. À l’instar de celui de Concordia, par exemple, qui place également l’Italie, en grand. Et les unités, riquiqui, finissent par faire pâle figure. À quand une belle version XXL du jeu ?
À 2 :
À l’origine, Virtù était pensé pour 3-5 personnes. La règle à 2 a été développée plus tard. Et ça se ressent.
Si les règles à 2 sont cohérentes, avec des Cités neutres, qui deviennent comme des IA, ou presque, le jeu inclut un livret de règles séparé.
De quoi rendre l’apprentissage du jeu encore plus touffu, indigeste. Il faut d’abord lire la règle au complet pour 3 à 5, sans pouvoir y jouer, puis lire ensuite l’autre carnet, avec toutes les modifications. Et il y en a beaucoup. La variante à 2 est copieuse, roborative, rébarbative.
Si Virtù à 2 tourne plutôt bien, ce n’est, pour moi, de loin pas sa meilleure configuration.
À 5 :
À 5, le jeu ralentit. Mais surtout, il devient extrêmement chaotique.
Ce qu’on gagne en tension, en interaction, on le perd en contrôle. Ça cogne de tous les côtés. Le jeu, bruyant, devient brouillon. Nous avons essayé à 5, et ce n’est, ici encore, pour moi, de loin pas sa meilleure configuration.
Virtù est un jeu ample, riche, complexe, réservé à un public Gamer, expert. Il faut être prêt à s’investir plusieurs heures pour faire l’apprentissage du jeu, de sa richesse, de sa beauté. Les jeux Gamers, le corps, le cœur de métier de Super Meeple.
Vous aimez les jeux dénués de hasard qui vous grillent les neurones ? Vous aimez les jeux de conquête, subtils, intenses ? Virtù est pour vous, sans aucun doute possible ! Un jeu profond, puissant, passionnant !
Très bon .