Sylve est le nouveau jeu de Catch up Games, la traduction de Brew. Créez des potions et rétablissez l’équilibre d’un univers fantastique.
Sylve, comme sylvestre, la forêt. Un jeu qui vous plonge dans une réalité fantastique et forestière. La terre est malade. Les saisons sont mélangées et le temps n’existe plus. Ça vous rappelle quelque chose ? Le cycle jour/nuit est déréglé, et le chaos s’installe. C’est à vous, magiciens de la nature, de rétablir la balance, en apprivoisant les créatures magiques de la forêt, et en récoltant les ressources à la fabrication de potions.
Chaque personne incarne un magicien, chacun avec un pouvoir unique. À chaque manche, vous lancez 4 dés fourrages et 2 dés éléments. Vous placez ensuite ces dés sur les forêts ou le village, et récoltez des ressources ou animaux en fonction des actions activées. Avec les ressources obtenues, vous pouvez récupérer des cartes potions, qui vous permettent alors d’effectuer des actions supplémentaires ou de contrer l’action de quelqu’un d’autre.
Les dés fourrage sont individuels, mais les dés éléments sont des dés « jokers », supplémentaires. Un dé élément placé sur une forêt compte pareil pour la phase de distribution, quelle que soit la personne qui l’a placé. Et le choix de l’emplacement active ceci ou cela.
En fin de partie, le score dépend du nombre de forêts (chacune valant de 3 à 7 points), du nombre d’animaux apprivoisés et du nombre de potions fabriquées (mais pas forcément consommées). Le décompte est rapide, et ne complique pas le jeu.
Matériel : Sylve est plaisant à voir, et saura attirer l’attention de toutes et tous dans les rayonnages des magasins ou dans votre armoire à jeux.
Avec une esthétique mignonne, mais moderne, entre Hilda et les Funko pop, l’illustrateur a su rendre le jeu agréable à l’œil. Les couleurs sont bien assorties, et les tons pastel créent une atmosphère engageante, qui sert bien le mécanisme. Il parvient à intégrer le thème, qui prend ainsi une place importante sans jamais s’imposer, dans un équilibre presque parfait.
Les pictogrammes, s’ils ne sont pas tous très représentatifs, sont toutefois lisibles et bien différenciés. Un aspect important, vu le système de jeu. Les joueurs et joueuses ne vont pas passer leur temps à se demander si le dé est sur la bonne case, ou s’ils peuvent jouer cette action. La compréhension du jeu n’en est que meilleure.
Globalement, Sylve, ou Brew, la VO, est un beau jeu. Avec un souci du détail et de l’illustration. Un jeu qu’on aura plaisir à sortir et à montrer. Et qui saura conquérir un public avant même le début de la partie.
Comme souvent, les Lyonnais de Catch up Games apprécient les beaux jeux. Et ça se voit ici avec Sylve qu’ils ont localisé des Texans de Pandasaurus Games et avec qui ils entretiennent des relations privilégiées. Les jeux en français des uns sont traduits en anglais chez les autres, et vice versa. Le cas ici avec Sylve, ou le précédent Gods Love Dinosaurs.
Mécanisme : Le livret de règles fait 20 pages. De quoi freiner quelques ardeurs. Mais ces 20 pages de règles sont aérées. Et elles sont finalement assez simples et surtout claires. La lecture est agréable, vu le soin apporté à la mise en page. On évite les gros pavés incompréhensibles. Et les points présentés sont toujours accompagnées d’une explication visuelle en situation. Ce qui permet d’appréhender plus facilement les spécificités du jeu.
Attention toutefois. Si les règles sont simples, la multiplicité de placements spéciaux et de pouvoirs fait que Sylve reste un jeu pour public averti. Tout comme le fait que le mécanisme privilégie les interactions, en mode « je te bloque pour ne pas que tu gagnes ».
La course aux ressources, qui est aussi une course au contrôle des forêts, peut vite se transformer en guerre ouverte. Surtout avec les dés éléments, qui vont pouvoir changer complètement le contenu d’une carte forêt .
Des dés, du hasard : Les dés étant au cœur du jeu, il y a forcément une grande part de hasard dans Sylve, chaque personne ayant un stock de dés à disposition à chaque tour. Mais ce hasard n’est pas trop prégnant ni rédhibitoire. Les cartes forêts étant suffisamment hétérogènes et les actions du village permettant toujours de jouer.
De plus, les différents pouvoirs liés aux dés éléments vont permettre de contrer les autres, même en cas de tirage très défavorable sur les dés fourrages. De la même façon, les pouvoirs apportés par les animaux et les potions vont permettre de contrebalancer le hasard du tirage.
Les pouvoirs sont d’ailleurs l’autre cœur du jeu. Et il ne faut pas les négliger. Tout d’abord parce que les animaux et potions représentent des points de victoire à la fin de la partie. Mais aussi, parce qu’ils vont permettre de maximiser les actions effectuées à chaque tour. En permettant par exemple de rejouer un dé, ou de prendre plus de ressources que vos adversaires.
La limite de trois animaux actifs en même temps permet d’éviter l’accumulation de pouvoirs, et force les autres à faire des choix, qui pourront s’avérer plus ou moins perdants à moyen terme. Cela pourra frustrer certaines personnes (qui pourraient chercher à amasser le plus de cartes). Mais cela rend le jeu plus équilibré, sans réduire le plaisir de jouer de la majorité.
Un point c’est tout : Un des aspects plaisants de Sylve, c’est qu’il est possible de marquer des points de plusieurs façons. Sans forcément avoir besoin de se focaliser sur une stratégie.
La vision à moyen (un tour) et long terme (plusieurs tours) reste très importante. Surtout si on veut maximiser ses points.
La gestion des combos est importante. Et gare à celui ou celle qui oublie les effets des cartes en main ou placées devant soi. Il est en effet « facile » de ne pas profiter des pouvoirs apportés par les créatures et les potions, si le ou la joueuse n’est pas attentive et focalisée sur son jeu.
Sylve offre par ailleurs beaucoup de possibilités de bloquer les autres. Mais aussi de se sortir des pièges tendus par les autres, créant une réelle interaction entre tout le monde (la compétition est interaction. Si, si). Ce qui est à relever, car beaucoup de jeux récents de ce genre ayant une fâcheuse tendance à se transformer en « chacun de son côté et on comptera les bouses à la fin de la foire« .
Sylve, verdict : Ne vous laissez pas berner. Derrière des (superbes) visuels un rien enfantins, Sylve est un jeu de stratégie plus compliqué qu’il n’y paraît. Enfin, quand je dis compliqué, je pense à complexe, riche et ample.
Sylve commence lentement, avec des stratégies poussives au début qui prennent peu à peu vie et rythme pour conclure sur un dernier tiers de partie en apothéose.
Des jeux qui utilisent les dés comme des ouvriers à placer sur un plateau, il y en a déjà beaucoup. Mais en règle générale, ces jeux peuvent vite s’avérer froids et répétitifs, car tout le monde finit par se concentrer sur les mêmes stratégies. Mais dans Sylve, il faut également prévoir et préparer les bâtons que l’on va mettre dans les roues potions des autres.
Ce n’est peut-être pas du goût de tout le monde, mais Sylve n’est pas l’un de ces jeux dans lequel vous gardez le nez collé à votre plateau, à vos stratégies, à votre développement. Vous n’allez certes pas pouvoir directement vous en prendre aux autres pour les envahir, les rétamer, mais vous allez toutefois pouvoir contrecarrer, freiner leurs plans. Une interaction solide, franche, sans être belliqueuse non plus.
Enfin, il est possible de jouer et prendre plaisir sans appliquer toutes les règles. Ce qui pourra permettre de jouer avec des publics différents, et de s’adapter aux envies et connaissances, compétences ludiques des personnes autour de la table. L’absence de certains effets ne réduira pas le plaisir de jouer. Il le rendra juste… différent.
Un beau jeu de placement et de draft avec dés, jouable avec des publics différents, avec des règles évolutives. Beaucoup de hasard, certes, mais pas rédhibitoire.