Il m’a été difficile d’écrire ces lignes, pour vous lecteur, tant Horreur à Arkham JCE a bouleversé ma vie de joueur que je pensais bien rangée, à l’abri derrière mes petites boites en carton sagement rangées dans une ludothèque pourtant bien fournie.
Cette époque est révolue, et ce matin, je tente de coucher sur quelques feuilles jaunies des bribes de ma raison éparpillée afin de vous narrer les évènements qui m’ont conduit à jouer, à penser, à vivre et à aimer Arkham JCE bien au-delà de ce que j’aurais voulu ou admis.
A présent H.P Lovecraft (1890-1937) reclus, malade, misanthrope et éminemment matérialiste est un compagnon de tous les jours, qui se tient dans mon dos à chaque fois que j’entame un scénario, tel un fantôme angoissant et envahissant. Lovecraft transfigura sa haine de la modernité en une œuvre placée sous le signe de la Peur, dans laquelle l'Homme se voit confronté à un panthéon de dieux venus des immensités cosmiques pour asservir notre planète.
C’est dans cet univers dantesque, épique, historique que prend place le jeu qui bouleversa mon existence : Horreur à Arkham JCE. Univers maintes fois adapté en livres, jeux, films ou que sais-je encore, mais jamais, au grand jamais, de façon aussi géniale que l’a fait JM Newman, l’autrice.
Mais avant d’aborder de façon détaillée les preuves évidentes du génie inhumain de l’œuvre de JM (je l’appelle depuis longtemps par son prénom, bien que je ne l’aie jamais vu), voyons ce qu’est Horreur à Arkham JCE du point du joueur qui possède encore toute sa raison.
Horreur a Arkham est un jeu coopératif de cartes, oui il faut aimer les cartes, qui vous place dans la peau d’un investigateur de l’étrange dans l’Amérique des années 20, confronté aux créatures extraterrestres de l’œuvre littéraire. En solo ou accompagné, vous enquêtez dans un scénario construit autour d’une ‘intrigue’, compte à rebours de la victoire de vos adversaires du moment, et d’un ‘acte’ votre capacité a déjouer leurs plans toujours cauchemardesques pour l’avenir de l’humanité.
Votre investigateur (de 1 à 4) a des compétences lui permettant de faire des tests (de compétences), un deck de cartes que vous prendrez grand plaisir à constituer (avec un peu d’expérience), des points de vie et des points de santé mentale.
L’équipe se déplace sur le plateau de jeu, lui aussi représenté par des cartes, combat de redoutables cultistes ou des monstres cauchemardesque, enquête, pioche la carte ‘rencontre tant redoutée ‘.
La gamme d’Arkham est une suite de campagnes découpées en 8 scénarios, chaque scénario vous prends 1 heure (par joueur) qui peuvent peuvent être aussi joués sur un mode ‘indépendant’ pour une soirée.
Au fur et a mesure de la campagne, votre investigateur dépensera ses points d’expérience chèrement acquis dans de nouvelles cartes plus puissantes et s’approchera du dénouement, souvent tragique. Les choix et résultats de vos investigateurs modifieront les évènements et conclusions tout au long de l’aventure.
Le jeu de rôle que vous avez bien connu dans votre jeunesse n’est pas loin, mais la dizaine de pages et embranchements d’un scénario d’Arkham JCE n’est tout de même pas comparable à l’appel de Cthulhu ou D&D.
Le jeu de plateau lorgne Arkham JCE également, car il vous faudra placer vos cartes avec habileté tactique, gérer vos ressources pour acquérir tel fusil ou sort, tenir compte du temps qui s’écoule bien trop vite.
Voyez vous ou je veux en venir ? Non ? et bien je précise mon propos : Horreur à Arkham est à la croisée des chemins, il comble mon appétit pour le jeu de rôle, le jeu de gestion ou le jeu de stratégie.
Mais pourquoi ce jeu-là plus qu’un autre : c’est difficile à expliquer, au moins autant que l’œuvre de Lovecraft.
Est-ce cette impression toujours renouvelée de vivre une aventure a chaque scénario au travers de quelques cartes et d’un livret d’une dizaine de feuillets ? Peu importe que vous ayez déjà jouer le scénario, j’ai bien dû jouer 15 fois la boite de base, j’en VEUX encore !
Est-ce le plaisir de constituer son investigateur et d’avoir l’intime conviction que son personnage va braver tous les dangers avec aisance ou une pointe d’arrogance ? et démontrer à vos partenaires ou au jeu que votre expérience du Deck building est sans égal ?
Est-ce les magnifiques illustrations ou les textes d’ambiance agrémentant chaque carte scénario ou chaque carte joueur qui vous immergent dans le Arkham des années 20 aussi surement qu’un Spielberg ?
Le jeu en solo vous rappellera furieusement les ‘livres dont vous êtes le héros’, mais en technicolor. S’agit-il d’un retour en enfance ?
Deux ans, trois mois et 21 jours après ma première partie d’Arkham, et il y’en a eu des centaines, j’ai toujours des difficultés à répondre aux questions ci-dessus.
Une question me hante plus qu’une autre : pourrais-je, avant que le poids des années vécues ne m’emporte, jouer toutes les campagnes avec chaque aventurier, tous ces aventuriers se jouant d’une façon radicalement différente selon leur classe ou leur capacité spéciale ?
Vous l’aurez compris, malgré mes efforts, malgré mon expérience, ce n’est pas encore aujourd’hui que l’âme d’Arkham JCE livrera tous ses secrets.
Mais revenons sur terre, et plus exactement a la rubrique critique de bloggeur de Philibert. Je ne serais pas complet si je n’indiquais pas ici les défauts de ce jeu génial.
Oui, il demandera un investissement en temps pour s’approprier les règles très bien écrites mais diaboliquement complètes.
Oui, il demandera un investissement financier une fois la boite de base digérée, mais pas plus qu’un paquet de cigarettes à 15 EUR mensuel.
Oui, la mise en place d’un scénario est de 15 à 20 minutes, la constitution du deck de votre personnage la même chose, le rangement encore la même chose.
Oui le rangement de votre collection de cartes et d’aventures prends un espace pas du tout virtuel.
Oui, c’est extrêmement difficile, mais ca on aime , n’est ce pas ?
Si vous passez outre ces quelques défauts, alors, oui, Horreur a Arkham JCE vous fera vivre des aventures extraordinaires, inoubliables.
Enfin j’en terminerai par quelques mots sur la communauté très vivante autour du jeu : un forum, une application smartphone pour vos campagnes, un discord, des scénarios fans made, et bien sur de fantastiques chaines YouTube !